Le dilemme de la filière lait et viande en Tunisie

Le dilemme de la filière lait et viande en Tunisie

Par Amine BEN GAMRA

L’Union tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche (UTAP) a publié, récemment, un communiqué dans lequel elle revendique une hausse du prix du lait d’au moins 715 millimes / litre au profit de l’éleveur. 

Le ministre de l’Agriculture, de la pêche et des ressources hydrauliques de son côté a fait savoir que les prix de vente du lait, des œufs et des volailles sera revu à la hausse afin d’assurer une meilleure marge bénéficiaire au profit des agriculteur.

Mais, au moment où le commun des agriculteurs revendique des hausse du prix, les ménages Tunisiens voient leur pouvoir d'achat plombé causé par des vagues sévères et intenses de hausses des prix qui ont détruit aussi bien la consommation, l’épargne et l’emploi et en conséquence le pouvoir d’achat de la population ce qui a creusé spectaculairement le fossé des inégalités sociales.

À peine une décennie s'est écoulée depuis le printemps arabe, pour lequel la hausse des prix des denrées alimentaires a été l'étincelle qui a allumé la mèche de la révolution. Aujourd’hui, la situation a empiré et notre sécurité alimentaire devient menacée.
 
Selon l’Organisation pour l’alimentaire et l’agriculture (FAO), agence spécialisée des Nations Unies, l’indice des prix des produits alimentaires a atteint 145,4 en moyenne au cours du premier trimestre 2022, soi tune augmentation de plus de 15 % par rapport à 2021. Cette progression des prix des produits alimentaires fait suite à celle enregistrée en 2021 : + 28 % par rapport à 2020.

Ces hausses de prix ont été accentuées par le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Cette augmentation du prix des produits alimentaires a des conséquences fortes pour notre pays déjà fragilisé par la pandémie de Covid-19.Des mouvements de protestation contre la hausse des prix des produits alimentaires se sont par ailleurs déclenchés dans plusieurs régions. Selon la FAO, la situation pourrait empirer dans les semaines qui viennent : les récoltes en Ukraine, a minima pour l’année 2022, étant largement compromises.

Comment on en est arrivé à cette situation

La Tunisie mène depuis l’indépendance une politique agricole qui sert certains intérêts privés mais pas ceux de la majorité de la population ordinaire. Les entreprises privées de chaque secteur réglementent leurs industries, ce qui leur permet de tenir leurs concurrents à distance. 

L’homme qui dirige la Chambre syndicale des industries laitières de Tunisie à l’UTICA, la fédération des employeurs, siège au conseil d’administration de GIVLAIT. Cette société détient 66 % du marché du lait et des produits laitiers.

La production locale est soit découragée, soit réglementée au profit de quelques opérateurs. Dans le même temps, 90% des aliments pour bétails ont importés à des prix exorbitants et la plupart des meilleures terres agricoles de Tunisie sont entre les mains de coopératives, autrement dit de l’État. 

La confusion entre les régulateurs et les producteurs qui ont investi dans le système de régulation pour leur bénéfice personnel s’est accrue au cours des dernières décennies. Cette situation explique pourquoi la plupart des familles de l’arrière-pays agricole ont vu leurs revenus diminuer et pourquoi la fracture entre une côte plus riche et un ouest et un sud plus pauvres s’est accrue.

Le résultat est que, la majorité des éleveurs ont vendu leurs vaches ou réduit les taux de fourrages uniquement pour sauvegarder le cheptel , les revenus des petits exploitants agricoles ont diminué et que la Tunisien’a pas réussi pour les augmenter.
 
L’Etat doit céder la place aux jeunes entrepreneurs

L’agriculture peut contribuer à créer des emplois dans le pays et participer significativement à la relance économique mais l’État devrait se désengager et céder la place aux jeunes entrepreneurs surtout au niveau des grandes exploitations pour encourager la production à grande échelle. 

Il s’agit de pouvoir se prononcer sur les politiques agricole et alimentaire qui nous concernent. favoriser un système alimentaire local durable et une agriculture digitale.

Aujourd’hui,une grande partie des terres de l'État sont en friche, dans les régions du nord et du centre mais la plupart de ces terres agricoles sont entre les mains de coopératives. 

Parallèlement, l’État devrait se concentrer sur les services publics essentiels et veiller à la régulation du marché. 

Il est grand temps de changer notre modèle économique

Cette nouvelle réalité devrait donner à réfléchir aux architectes de notre modèle économique, lequel gagnerait à s’orienter davantage vers le secteurs agricole surtout que ce secteur manque de financement. 

Il faut pour cela inaugurer une nouvelle ère de prise de décision rationnelle, qui tienne plus compte de l’intérêt général du pays et une stratégie claire pour la promotion du secteur, et ce particulièrement en ce qui concerne le contrôle des circuits de production, d’importation et de distribution.

La stratégie à développer doit couvrir l’ensemble des maillons constituant le secteur et préconiser dans la mise en œuvre de ses composantes d’adopte rune approche participative de nature à mieux cibler les insuffisances relevées lors de diagnostic et à définir les priorités.

Amine BEN GAMRA
Expert Comptable
Commissaire Aux Comptes
Membre de l'Ordre des Experts Comptable de Tunisie

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