Le gouverneur barbouze, et la journaliste : l’intimidation de trop
Les hautes fonctions de l’Etat, ce n’est pas donné à tout le monde de les assumer avec la maitrise et la compétence requises. Il suffit parfois de rien pour se rendre compte que l’on n’est pas fait pour les assumer. Le gouverneur de Ben Arous Ezzedine Chebli a donné vendredi soir une mauvaise image de lui et de la fonction éminente qu’il remplit.
Interrogé par une journaliste de Shems Fm, Khaoula Sliti au cours d’une activité à la couverture de laquelle cette dernière a été conviée, le gouverneur a vite « perdu les pédales » pour vite invectiver la chevalière du micro et de la plume. Si elle n’avait pas fait montre d’un sang-froid remarquable et d’une maitrise de soi d’une vraie professionnelle, elle aurait été agressée sans ménagement. Arrivé à la responsabilité éminente qu’il remplit par un concours de circonstances et non par une qualification et une compétence avérée, ce gouverneur est à l’image de celui qui l’a propulsé à cette fonction, bagarreur et diviseur à souhait. Alors qu’il est censé faire preuve d’une parfaite neutralité entre tous les acteurs sur la scène politique, il montre un zèle particulier à défendre les projets de son patron de président dont il fut d’ailleurs l’un des défenseurs de son projet politique.
Il se fait un plaisir malin à diviser les Tunisiens en catégories affirmant, alors que la journaliste lui disait que les militaires n’ont pas le droit de voter, comme la constitution le stipule, que ces derniers forment « la première catégorie » des Tunisiens alors que la question de la journaliste ne portait pas sur une quelconque classification en rapport avec un patriotisme réel ou supposé dans lequel tous les compatriotes sont égaux. Le gouverneur ne s’est pas arrêté en si bon chemin accusant la journaliste d’être mandatée par un « clan politique » pour le mettre en difficulté, ce qui n’était pas du tout son intention se contentant de poser les questions que sa conscience professionnelle lui dicte.
Une intimidation de plus, inacceptable évidemment et pour laquelle Khaoula Sliti a recueilli le soutien de ses confrères et consœurs et au-delà une part non négligeable de l’opinion publique. C’est normal dès lors que la journaliste se croit en droit de porter plainte contre le gouverneur de Ben Arous pour diffamation et intimidation avec le soutien actif du Syndicat national des journalistes tunisiens.
A cet égard, le bureau exécutif du SNJT a annoncé, samedi, avoir entamé une procédure pour porter plainte contre le gouverneur de Ben Arous ” et tous ceux qui prennent pour cible les journalistes et empêchent l’accès à l’information “. Il a dénoncé, dans un communiqué, ” les tentatives de domestiquer les médias d’une part, et de diaboliser, d’autre part, ceux qui refusent d’être domestiqués “. Il a fait porter à la présidence de la République et à la présidence du gouvernement ” la responsabilité de l’intégrité des journalistes victimes d’intimidations et d’accusations de trahison de la part de dirigeants de l’Etat“.
Il appelle, dans ce sens, la présidence du gouvernement à ” assumer sa responsabilité dans le respect de la nature du travail journalistique, de ne pas s’ingérer dans le travail des journalistes et de garantir leur droit d’accéder aux informations susceptibles d’éclairer l’opinion publique“. Il l’invite, également, à prendre les mesures disciplinaires adéquates ” si ces pratiques ne traduisent pas une politique de l’Etat à l’encontre des journalistes “.
Le SNJT met en garde contre ” la dangereuse récurrence du discours d’intimidation et d’incitation contre les journalistes par des responsables de l’Etat “.
Raouf BR
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