L’ère du 7 novembre sur Attassiaa : Tourner la page, c’est encore prématuré
Le débat lundi soir sur la chaîne Attassiaa à propos l’ère du 7 novembre 1987 a viré à un tohu-bohu sinon à un dialogue de sourds.
Partisans de l’ère de Ben Ali, la présidente du parti destourien libre Abir Moussi et l’homme de communication Borhène Bsaïes élevaient la voix pour se faire entendre et peinaient à défendre les réalisations de ce qu’on appelait alors « l’Ere du changement ».
Le fil conducteur pour eux, c’est l’état de la Tunisie presque six ans après la chute du régime de Ben Ali. Puisqu’on compare désormais la période actuelle à la précédente c’est que celle-ci était meilleure. D’ailleurs les chiffres de référence en tout sont ceux de 2010, soutiennent-ils avec force. Ils ont fini par avoir gain de cause sur ce chapitre puisque tout le monde est tombé d’accord sur les bonnes performances économiques de l’ère Ben Ali.
Y a-t-il eu pour autant un rapprochement des points de vue quant au volet politique. La tâche est évidemment impossible. Incongrue même pour un homme comme Abdelfattah Mourou, représentant d’Ennahdha à ce talk-show. Par ses moues, ses grimaces plus que par ses paroles, il montrait qu’il ne pouvait accepter la comparaison. On ne compare que ce qui est comparable.
Sur le plan politique, au moins croit-il, cela devrait aller de soi. Que nenni puisque le bilan de la Troïka soutiennent les autres n’est pas aussi brillant qu’il n’y parait.
A l’équation bilan contre bilan, chacun des deux camps gagne peu et perd beaucoup. Mais chacun se cramponne à l’actif sans vouloir regarder le passif. Chacun admet qu’il y a des torts de part et d’autre mais chacun veut que l’autre fasse le premier pas et reconnaisse ses torts. Mais les plaies sont encore béantes pour que l’on puisse imaginer une réelle autocritique. C’est encore prématuré, peut-on juger. Il faut laisser le temps faire son œuvre et séparer la bonne graine de l’ivraie.
L’avocat de Ben Ali, Me Mounir Ben Salha relégué dans un autre lieu était pour chacun des deux camps comme un cheveu sur la soupe. Trop voyant car il rappelait par sa présence que l’homme dont on disserte existe toujours en chair et en os, et qu’il n’est pas une vue de l’esprit. Il est trop encombrant, car à leur argumentaire froid et distant, il oppose le regard chaud et concerné de l’homme absent dont on parle qui suit l’émission de son exil saoudien. D’ailleurs, le silence assourdissant avec lequel a été accueillie la proposition de Ben Ali d’interroger l’homme de la rue, du tunisien lambda sur ce qu’il pense de ses vingt trois de règne en dit long sur l’embarras des uns et des autres sur l’incongruité de la demande.
Ce qui a jeté un froid certain et interrogateur sur l’émission c’est le témoignage fait par le Dr Sahbi Amri sur le « groupe sécuritaire » du Mouvement de la Tendance islamique qui devait conduire un putsch contre le président Bourguiba le 8 novembre 1987 et qui a été devancé par Ben Ali de vingt quatre heures.
Corroborée par un autre témoignage, celui de Sadok Ghodhbane, chef de ce groupe, cette relation de l’événement a mis dans un grand embarras Abdelfattah Mourou qui a juré ne rien connaitre de ce plan. Le journaliste et ancien islamiste Slaheddine Jourchi a caché son embarras en demandant à Ennahdha de dévoiler la face obscure de son action.
Match nul, lundi si on veut utiliser le langage des sportifs. Il est encore trop tôt de faire l’examen d’une période qui est encore trop proche et trop pesante pour les uns et les autres.
Borhène Bsaies a cru trouver le mot de la fin en conseillant de tourner la page et laisser aux historiens la tâche de faire le bilan d’une ère qui ne reviendra plus. Mais là aussi l’idée n’a pas semblé retenir l’attention.
C’est encore prématuré de jeter un regard neutre sur une période encore trop présente dans tous les esprits.
RBR
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