M. Chahed, Laissez tomber la classe politique, le peuple vous comprendra mieux
A quelque chose malheur est bon, ce dicton vient bien à propos dans la situation actuelle où se trouve. Longtemps tiraillés en politique, les Tunisiens jonglent désormais avec budget, loi des finances, taux d’endettement, produit national brut et autres concepts ardus qu’ils ne connaissaient pas auparavant. La crise des finances publiques leur a, au moins servi, de changer de registre en ce qui a trait aux préoccupations nationales.
Les Tunisiens semblent d’ailleurs plus conscients des difficultés réelles du pays que leur personnel politique qui au lieu de trouver des solutions à des problèmes dont il est en partie responsable continue à se chamailler. On ne sait plus d’ailleurs qui fait partie de la majorité et qui est dans l’opposition. Car à entendre les uns et les autres on trouve que certains Nidaïstes sont les plus virulents à rejeter le projet du gouvernement et à l’attaquer d’une façon inouïe. De sorte que les députés du Front populaire devenus plus conciliants leur ont laissé la tâche de s’opposer à leur propre gouvernement. Au moins les frontistes présentent des propositions qui parfois sont constructives. Les autres sont destructeurs sur toute la ligne.
Que fait le gouvernement devant cette critique déferlante qui lui vient de ses propres rangs ? Au début, il a fait profil bas croyant que la tempête finira par passer. Puis se rendant compte que celle-ci continue de gronder de plus belle et qu’elle devient rugissante se décide à prendre langue avec les partis de ce qui a été appelé « union nationale » pour entendre leur point de vue et réagir le cas échéant à leur critique et recadrer le projet gouvernemental en conséquence. L’occasion est trop belle à certains partis politiques qui se sont joints à cette coalition hétéroclite contraints et forcés pour montrer leur différence et se démarquer en se refusant sous des prétextes fallacieux à prendre part à la réunion convoquée par le chef de gouvernement.
Les Tunisiens regardent médusés ce cirque qui se déroule sous leurs yeux. Qu’il est loin ce temps où on mettait en avant « la patrie avant les partis ». On a même reculé puisqu’on est désormais au stade les personnes avant les partis et les partis avant la patrie. C’est scandaleux que l’on soit arrivé là. Alors que le pays s’enfonce dans la crise, l’élite politique se détourne des vraies difficultés pour se focaliser sur des calculs étriqués de leadership nourri pas les ressentiments et les rancœurs.
Certains reprochent au gouvernement sa mauvaise communication sur ce sujet brulant. D’autres estiment que cette communication n’a pas été assez vigoureuse et en tout cas on n’a pas assisté à une mobilisation de l’ensemble des poids lourds du gouvernement. Si on excepte quelques uns avec des fortunes diverses on n’a pas vu les autres prendre part à une véritable campagne de communication. La ministre des Finances Lamia Zribi fait de son mieux, les ministres Abid Briki, Mehdi Ben Gharbia et Iyad Dahmani ont été au charbon avec plus ou moins de réussite. Mais où sont les autres, leur silence est assourdissant. Tout d’un coup tous sont devenus des ministres technocrates s’occupant de leur seul département. Que font les Naji Jelloul un des bons communicants de Nidaa Tounés, mais aussi Zied Ladhari le visage avenant d’Ennahdha ou encore Samir Taïeb le représentant de la gauche au sein de l’équipe de Youssef Chahed.
Le chef de gouvernement lui-même doit descendre dans l’arène et prendre les Tunisiens à témoins. Il doit leur dire la vérité et fait tout son possible pour les mobiliser en faveur de son projet. Les Tunisiens seront sensibles à son argumentation s’il arrive à les convaincre qu’il n’a pas d’autres choix que ceux qu’il préconise dans le projet de loi des finances. Sans s’attarder sur les chiffres, les taux et les proportions il peut leur expliquer la teneur de ses propositions et tout en tenant le discours de la vérité il doit leur ouvrir les portes de l’espoir. Selon les sondages presque 70% des Tunisiens estiment que leur pays va dans la mauvaise direction. Son devoir est de dire à ceux-là que si le pays va mal, il devrait aller mieux si tant que chacun y mette de la bonne volonté.
Maintenant que les partis politiques ont montré leur immaturité et leur incapacité, Youssef Chahed n’a d’autre choix que d’aller directement devant le peuple par une communication ouverte, intelligente et mobilisatrice. C’est son seul moyen de gagner les faveurs de l’opinion publique qui est aujourd’hui son seul atout. Il se doit d’inventer d’autres moyens de communication. Il est jeune il peut utiliser les moyens de communication avancées. On ne le voit pas utiliser comme il se doit facebook ou twitter. Ses homologues italien Matteo Renzi, français Manuel Valls ou canadien Justin Trudeau qui sont de sa génération utilisent ces médias pour réagir instantanément et communiquer leurs points de vue sur toutes les questions qui les interpellent. Leurs réactions sont instantanément relayées par les médias classiques.
Selon le dicton arabe, les gouvernants sont à l’image de leurs gouvernés. Alors en attendant les joutes politiciennes qui auront d’autres tribunes en d’autres temps, occupons-nous maintenant d’économie et de finances. Les Tunisiens comprennent les défis qui se présentent sur ce terrain qui concerne leur vie de tous les jours. Le gouvernement tient un filon en or, l’intérêt de l’opinion publique. Il lui importe d’aller directement vers le peuple qui lui est plus réceptif et certainement plus réactif qu’une classe politique inerte, dépassée et complètement désabusée.
RBR
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