Mariano Rajoy: "Nous devons utiliser tous les instruments pour créer un véritable espace de prospérité"

Mariano Rajoy: "Nous devons utiliser tous les instruments pour créer un véritable espace de prospérité"

 

A l'occasion de sa visite en Tunisie dans le cadre de la huitième haute commission mixte tuniso-espagnole, le chef du gouvernement espagnol, M. Mariano Rajoy, a donné une interv iew à La Presse.Dans cet interview, Rajoy plaide "our un véritable engagement de l'Union européenne aux côtés de la capitale du printemps arabe pour ainsi aller au-delà de la rhétorique".

Concernant le niveau de coopération entre la Tunisie et l'Espagne, le chef du gouvernement répond: " L’Espagne et la Tunisie partagent depuis des décennies une relation bilatérale privilégiée. Nos liens sont basés sur des affinités historiques solides dérivées du voisinage méditerranéen et inscrites dans le traité d’amitié et de bon voisinage que nous avons signé il y a plus de trois décennies et qui nous a permis de développer de façon ininterrompue des domaines de coopération. 

Aujourd’hui, notre relation est beaucoup plus riche et plus diversifiée qu’il y a trente ans. Les contacts politiques sont plus fréquents, plus nombreuses les entreprises espagnoles qui contribuent à la croissance de la Tunisie, plus fructueux les échanges entre nos corps et forces de sécurité et beaucoup plus de jeunes de nos deux pays décident chaque année d’étudier dans les universités de l’autre pays. Nous partageons également des valeurs et des défis. Parmi les valeurs, je voudrais mentionner de manière spécifique l’égalité et, en particulier, l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. 

Dans ce domaine, la Tunisie est un pays pionnier dans sa région: ses progrès servent d’inspiration à d’autres pays du monde arabe. Et l’Espagne a soutenu avec conviction ces progrès, dont certains sont ambitieux comme la loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes que le Parlement tunisien a approuvée en juillet dernier. Parmi les défis auxquels nous sommes confrontés, aucun n’est aussi pertinent que celui qui consiste à faire de la Méditerranée un espace sûr d’échange et de croissance pour nos citoyens et, en particulier, pour nos jeunes".

Les investissements espagnols en Tunisie s’élèvent à près de 1,3 milliard de dinars, soit 4,75% du total des investissements étrangers en provenance des pays de l’Union européenne. Y a-t-il un moyen d’augmenter le niveau de ces investissements? Oui, pense le diplomate espagnol.

"Je suis convaincu que cette réunion de haut niveau, la huitième depuis que nous nous sommes dotés de ce mécanisme privilégié de coopération institutionnelle, servira à jeter les bases d’une relation stratégique plus complète, plus diversifiée et plus profonde. Des relations à la hauteur de la réalité des deux pays qui ont traversé des périodes difficiles au cours des dernières années mais qui, grâce aux efforts de nos citoyens, sont sur la bonne voie pour les surmonter. Je crois qu’il est temps de relancer notre coopération, de l’intensifier et de l’étendre à de nouveaux domaines.

En définitive, je crois que nos échanges commerciaux et les investissements offrent davantage de potentiel de croissance. En ce qui concerne les investissements, de plus en plus d’entreprises espagnoles misent sur l’internationalisation. Et la Tunisie offre des avantages comparatifs, grâce entre autres à sa situation stratégique en Méditerranée et à la planification de ses besoins dans le cadre des objectifs de la Conférence « Tunisie 2020 ». La constitution, l’année dernière, de la Chambre de commerce hispano-tunisienne ou l’accord que signeront dans le cadre de cette réunion nos deux organisations de promotion du commerce extérieur, Icex et Cepex, renforcent le cadre institutionnel et constituent des pas importants pour exploiter les synergies entre nos deux économies, qui se trouvent être parmi les plus ouvertes dans nos régions respectives."

Au sujet du rejet par le Parlement européen d'une motion demandant le retrait de la Tunisie de la « liste noire » des pays «susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme», le chef du gouvernement estime que l'Espagne, en tout cas, ne souhaite pas voir la Tunisie sur une liste noire. 

"Face à la sophistication croissante des activités des groupes terroristes, l’UE a renforcé les mesures visant à tenter d’interrompre le flux des fonds pouvant être utilisés pour financer ce type d’activité. Cependant, ce qui s’est passé avec l’inclusion de la Tunisie dans la liste des «juridictions non coopératives avec l’UE» à la fin de l’année dernière montre la voie à suivre. La réponse du gouvernement tunisien, offrant rapidement de réelles garanties de coopération, a motivé une réaction prompte des institutions européennes. Je ne crois pas que l’un des partenaires européens, pas l’Espagne en tous les cas, souhaite voir la Tunisie sur une «liste noire»".

Le soutien économique et financier de l'UE reflète-t-il l’importance de l’expérience tunisienne en matière de transition ? le chef du gouvernement pense que l'engagement de l'Union doit aller au-delà de la rhétorique.

"La Tunisie vit un moment d’une importance particulière. Sept années après la révolution et trois autres après l’approbation de la nouvelle Constitution, la transition tunisienne est devenue un modèle et une référence pour les pays arabes et une raison d’espérer pour l’ensemble de la communauté internationale. Les Espagnols, comme nos partenaires européens, nous avons accompagné les institutions et le peuple tunisiens depuis le début de ce processus historique. Sans prétendre vouloir donner de leçons, mais avec la conviction partagée que la démocratie ne peut prendre tout son sens qu’en tant que projet pour l’ensemble de la société fondée sur la coexistence, le dialogue et le respect des droits de l’Homme. Arrivant à ce point, les espoirs générés par la politique devraient s’accompagner d’une amélioration significative et durable des conditions de vie de la population. C’est le seul antidote définitif contre toute tentative d’involution. C’est pour cette raison que je crois que l’engagement de l’Union européenne en Tunisie ne doit pas être simplement rhétorique.

Nous les Espagnols sommes conscients que l’Europe suscite des intérêts considérables pour les pays de notre voisinage du Sud et c’est pour cette raison que notre pays préconise, depuis qu’il a rejoint l’UE, de renforcer les liens de coopération avec ces derniers, politiquement, mais aussi dans d’autres domaines, tels que l’économique ou la sécurité. Nous devons utiliser tous les instruments à notre disposition pour créer un véritable espace de prospérité entre les deux rives de la Méditerranée, en augmentant les investissements et le commerce avec la région, en encourageant l’immigration par les voies légales et en misant sur le dialogue bilatéral et multilatéral".
 

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