Néji Jalloul ou comment rabaisser la politique à une ambition personnelle

Néji Jalloul ou comment rabaisser la politique à une ambition personnelle

 

Néji Jalloul est l’homme politique qui ne refuse aucune apparition sur les plateaux de radio ou de télévision. S’il n’est pas invité, il s’invite lui-même. Dans le jargon c’est un bon client car on peut le faire réagir sur n’importe quoi, et il n’a aucun problème pour se retrouver dans des émissions de téléréalité ou voisin d’une starlette qui n’en croit pas ses yeux en se retrouvant en face d’un ministre en exercice.

Il est donc tout naturel qu’on le retrouve sur le plateau de Samir el-Wafi dans son émission dominicale qui fait toujours polémique. D’ailleurs son producteur-présentateur fait tout pour qu’il en soit ainsi. Pour exister il faut que l’on parle de vous et même s’il le faut créer le buzz, c’est même dans l’ordre des choses.

L’émission de dimanche soir n’a pas dérogé à la règle même si le plateau servi a pêché par du réchauffé puisque deux personnages au moins sont devenus des clients quasi-permanents de l’émission, je veux parler de Hassen Ben Othman et Mondher Beldhiafi. Si le second a une plus-value à apporter quand on finit par lui donner la parole, le premier fait plutôt le pitre et chercher à marquer son terrain par des simagrées et des jugements qui dénotent parfois du ridicule auquel la télévision doit faire recours pour assurer l’audimat. Seul Faouzi Benzarti l’entraineur de football a tiré son épingle du jeu en paraissant calme, réactif, et plein de jugements de bon sens.

Que retenir de la prestation de Néji Jalloul. Rien qu’on ne le sache pas. D’abord un égo démesuré, il est le plus beau, le plus intelligent, le plus en tout. Un peu d’humilité n’est peut-être pas de trop. Puis il sait tout, a une idée sur tout, peut parler de tout. Un puits de savoir, peut-être dans son domaine l’histoire mais un savant ne dit jamais cela. Il veut faire de la politique mais en matière de flagornerie, il est devenu un as. C’est évidemment de la flatterie basse et intéressée lorsqu’il met sur un même piédestal Bourguiba et Béji Caïd Essebsi, même ce dernier, s’il était interrogé, n’oserait pas tenir la comparaison. Bourguiba est de la trempe des grands hommes et personne ne peut l’égaler. C’est là le jugement de l’histoire et non point des hommes. L’historien aurait dû être plus circonspect.

Qu’il ose dire que Ben Ali est meilleur président que Marzouki, on peut le comprendre, qu’il affirme sa préférence pour le RCD que pour Ennahdha, qu’il dise qu’il aimerait plutôt dîner avec Rached Ghannouchi qu’avec Hamma Hammami ce sont des choix personnels et personne ne peut les lui contester, mais ce sont des mots de trop qui terniront peut-être un jour son cursus d’homme politique. Car c’est ça ce qu’on retiendra de lui, pas ses réformes, ni ses idées, ni ses convictions. Dans la société fast-food c’est ce genre de jugements qui vous reste collé à la peau.

Le tort de Néji Jalloul, c’est de dire tout haut tout ce qui est de l’ordre des choses mais qui doit rester enfoui en soi. Tout homme politique, s’il veut exister dans la durée, est nourri par une ambition dévorante. Tout homme politique est en campagne électorale permanente. Tout homme politique fait de la communication à tout moment de sa vie. Si cela est vrai, il ne doit pas le faire savoir, car ce n’est pas cela qui intéresse les citoyens électeurs. Ceux-là doivent connaitre vos idées, quand vous en avez, ils doivent vous juger sur vos actes d’homme politique. Mais votre devoir c’est de les faire rêver, de leur faire croire que la politique ce n’est pas de l’ambition personnelle, c’est surtout un don de soit pour servir son prochain et la communauté des citoyens. La politique ce n’est pas le paraître ni le paraître faire, c’est tout simplement le faire, le savoir-faire et le faire-savoir. Se réveiller tous les matins, en pensant devenir président de la république, c’est une réplique qui a fini par emporter un homme politique français Nicolas Sarkozy, non parce que ce n’est pas son droit mais parce qu’il l’a dit et s’en est gargarisé.

Avec des formules à l’emporte-pièce Néji Jalloul a fait plus d’ennemis que d’amis. Ainsi est-il en guéguerre avec les syndicats qui mettent maintenant tout leur poids pour avoir sa peau. Même le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi fraichement élu à ce poste ouvre le feu sur le ministre de l’Education. Il est évident que les syndicats veulent avoir un ministre plus malléable, mais s’il est rejeté c’est qu’il y a problème. Un problème de dialogue et de concertation.

En Tunisie on ne tient pas tête impunément aux syndicats, puisque les ministres passent, les syndicats restent. Un point de non retour semble avoir été atteint dans les rapports de Néji Jalloul avec les syndicats de l’enseignement puisque Taboubi a parlé de « lignes rouges » franchies et de l’intention de sa centrale de ne plus avoir de rapports avec lui. En tout cas Néji Jalloul n’a rien fait pour calmer les ardeurs des syndicalistes. Il en avait l’occasion au cours de sa longue prestation avec Samir el-Wafi et il n’a pas saisi cette opportunité. Même s’il le voulait il ne le pourrait pas car en plus d’être monsieur-sait-tout, c’est monsieur-infaillible, monsieur zéro-faute, zéro-erreur. A trop se complimenter soi-même on tombe dans les travers de l’autosatisfaction, de l’auto-flatterie. Pour l’homme politique, il n’y a pas pire !

D’éducation on n’en a parlé dimanche ou très peu, il n’y en avait que pour le personnage Néji Jalloul. C’est le pire service qu’on puisse lui rendre. On dit que trop de communication tue la communication et le ministre de l’Education se fait plus de tort que de bien en faisant de l’apparition dans les médias sa ligne de conduite politique. Il doit plutôt se montrer parcimonieux s’il veut exister dans la durée.

Néji Jalloul se présente comme un homme politique ou un homme qui fait de la politique. Il en a certes les qualités mais il ne doit pas dilapider ses chances dans des émissions de ce genre qui ne lui rapportent rien et qui le contraignent à dire des assertions qui sorties de leur contexte peuvent lui coûter une brillante carrière politique. La politique c’est aussi des précautions à prendre et des préventions à mettre en œuvre. S’il ne s’en soucie pas, il va à sa perte. C’est dommage car dans la classe politique, il a pris une place qui lui a valu une réelle et indéniable popularité.

RBR

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