Quand la France perd ses valeurs et ses médias deviennent "une honte internationale""
Au moment où le monde entier célèbre le 75ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, des milliers d’êtres humains, femmes, enfants et vieillards périssent sous les bombes à Gaza, avec le soutien de ceux-là mêmes qui avaient initié ce « document fondateur » traduit, depuis, en plus de 500 langues.
Eleanor Roosevelt, veuve du président américain Franklin Roosevelt mort en 1945, qui avait présidé le comité de rédaction comprenant des personnalités de divers pays, mis sur pied en 1947, le Canadien John Peters Humphrey et le Français René Cassin, qui en furent les principaux animateurs, se retourneraient dans leurs tombes en apprenant que Washington a bloqué une résolution du Conseil sécurité appelant à un cessez-le feu humanitaire. Et que les gouvernements américain, canadien et français appuient, sans réserve les attaques d’un état créé par les Nations Unies, presque la même année que cette fameuse déclaration, dans ses crimes contre une population civile désarmée. A son tour, la colline Chaillot à Paris où a été construit le palais qui porte le même nom et avait abrité l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 qui avait adopté le fameux document tremblerait en signe de courroux et de protestation contre l’injustice subie par de nombreuses populations dans le monde. Que dire alors de la France, le pays de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en 1789 ? Mérite-t-elle encore son nom du pays des droits l’homme ?
En réaction aux actes de barbarie
La déclaration universelle des droits de l’homme fut adoptée trois années après la fin de la deuxième guerre mondiale qui avait sonné la défaite de l’Allemagne nazie et en réaction aux « actes de barbarie qui ont révolté la conscience de l’humanité » pendant cette Guerre mondiale. Son adoption reconnaît les droits humains comme la base de la liberté, de la justice et de la paix. Selon un texte publié dans le site des Nations Unies, « après la Deuxième Guerre mondiale et la création de l’Organisation des Nations Unies, la communauté internationale jura de ne plus jamais laisser se produire des atrocités comme celles commises pendant ce conflit. Les dirigeants du monde entier décidèrent de renforcer la Charte des Nations Unies par une feuille de route garantissant les droits de chaque personne, en tout lieu et en tout temps. »
En tout temps et en tout lieu. Voilà qui est dit et écrit, reconnu, signé et adopté par ceux-là même qui, aujourd’hui, se sont transformés en gendarmes du monde pour mettre le monde entier à leurs pieds, commis et validé toutes les exactions contre les humains, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Palestine occupée et dans d’autres contrées
Pour se dédouaner de ses crimes contre les juifs, l’Allemagne se jette aujourd’hui aux pieds d’Israël en lui apportant un soutien sans failles. Ce soutien s’explique à l’aune de sa responsabilité historique dans l’holocauste : « L’existence d’Israël est la raison d’être même de la nation allemande ». Sans même appeler au respect du droit international, constamment bafoué par l’Etat hébreu.
De son côté, la France de Macron s’est rangée du côté de l’agresseur à l’aune de sa responsabilité historique dans la déportation des juifs par le gouvernement de Vichy. Se faisant, elle a perdu son influence sur la scène internationale et sa crédibilité auprès des pays arabes après avoir été « dégagée » de sa zone d’influence en Afrique.
Le président français l’a vérifié à ses dépens en se faisant snober par ses pairs arabes et musulmans lors du sommet COP 28 tenu à Dubai.
Les médias français : « une honte internationale »
Même si au pays de l’hexagone, des voix discordantes se font entendre parmi les politiques, les défenseurs des droits de l’homme et dans certains médias. Jean Luc Mélenchon et ses « insoumis » n’ont pas avalé leurs langues face aux massacres et à l’horreur qui se déroulent à ciel ouvert devant les yeux du monde entier. Pour l’ancien candidat à la présidentielle, les bombardements à Gaza présentent « tous les indices d’une volonté génocidaire ». Le député « insoumis » David Guiraud qui était l’invité d’un colloque organisé à Tunis, le 11 Novembre, s’en prend violemment aux médias français qui « sont une honte internationale ».
En matière de « liberté d’expression et de libertés académiques, de nombreuses voies d’eau sont ouvertes », écrivait le journal l’Humanité dans son édition du 5 décembre 2023. Pour une chercheuse du CNRS, citée par le quotidien, « tous les discours sur l’autodétermination, sur l’histoire coloniale, sont littéralement impossibles à tenir aujourd’hui, et pour les censurer on mobilise les accusations les plus graves comme l’antisémitisme ». Le gouvernement français n’hésite pas à faire pression pour que « les pires débats de plateaux télévisés entrent à l’université comme du beurre ».
Depuis un certain temps, la France se droitise de plus en plus avec l’émergence de discours identitaire, raciste et xénophobe. Porté par Marine Lepen, il se trouve exacerbé par un Eric Zemour et son fameux mot « francocide » désignant le meurtre d’un blanc par une personne étrangère. Après son échec à la dernière présidentielle de mai 2022, il a décidé de mener une « bataille culturelle» en répandant ce terme qui lui permet de « de politiser tout fait divers dont la victime serait française et blanche et l’auteur d’origine étrangère ou musulman ». Les militants de son parti, « la Reconquête » alliés à des groupuscules ultranationalistes de tout poil, cherchent à faire infuser leurs » idées dans la société ». Bien pis, ils s’attaquent à l’école pour tenter d’en faire un bastion de leur idéologie de haine et de rejet de l’autre. Ils sont très actifs dans les réseaux sociaux et revendiquent plus de 20 000 membres qui repèrent et relaient « ce qui leur pose problème à l’école ».
Et comme pour enfoncer le clou et célébrer à sa manière la déclaration universelle des droits de l’homme, la présidente de la Région Île-de-France Valérie Pécresse a décidé de retirer le prix Simone-Veil à l'écrivaine Zineb El Rhazoui « en accord avec les ayants droit de Simone Veil », accordé en 2019.
Les motivations de cette décision s'expliquent par les « récentes déclarations » de l'ancienne journaliste de Charlie Hebdo « quant aux tragiques événements survenus en Israël et dans les territoires palestiniens depuis le 7 octobre ». Zineb El Rhazoui avait notamment retweeté un post faisant un parallèle « entre Auschwitz et la riposte israélienne contre Hamas à Gaza »: « Les sionistes ont perfectionné la science du génocide. Ils ont amélioré le modèle nazi. Le but est l’extermination des Palestiniens juste comme les nazis projetaient d’exterminer les juifs. »
Généralisation de l’hostilité
Les crimes et les délits racistes, xénophobes et antireligieux sont constamment en hausse. Selon le ministère français de l’Intérieur, « après une période de diminution, de 11 600 faits en 2015 à 8 900 en 2017, leur nombre est remonté à 12 500 en 2022. Les cas les plus graves, les crimes et délits, sont passés de 5 100 en 2017 à 6 555 en 2022, soit une hausse de 29 % ».
Dans certains cas, les médias s’inscrivent dans une logique directe de production ou de coproduction du racisme, en particulier lorsque les exigences du « scoop », de l’information spectaculaire, peuvent constituer un encouragement au racisme, et par exemple donner à des acteurs racistes un poids, une visibilité et une efficacité démultipliés, relève-t-on dans un article sur « l’influence des médias ». Il est également admis que « les discours xénophobes tenus par certains responsables politiques, largement reproduits sur les réseaux sociaux et certains médias, légitiment le passage à l’acte raciste ».
Dans les plateaux télévisés où l’on débite des sornettes, on jette toute la lumière sur les actes antisémites, par ailleurs condamnables, mais on tait ou presque les actes racistes et antimusulmans. On s’attarde sur les étoiles de David taguées sur des murs mais l’on évoque à peine la profanation des mosquées et les inscriptions comme "Les Bougnouls dehors" ( terme raciste désignant les immigrés maghrébins) ou "Mort à l'islam". Ces actes sont en partie le résultat des discours violents de certains médias et de certains hommes politiques, qui véhiculent un discours islamophobe.
Les élites françaises ont constaté la généralisation de l'hostilité populaire contre la politique de Macron dans le monde arabe, en Afrique, et dans les pays du Maghreb. « Le recul de l'influence française est sans précédent depuis la fin de la IVe République ». A son tour, la langue de Molière est en perte de vitesse dans l’espace francophone au profit de l’anglais. La « Reconquête », terme utilisé par Emmanuel Macron lors du 18ème sommet de la francophonie tenu à Djerba les 19 et 20 novembre 2022, n’a pas eu l’échos escompté, et les projections faisant état de 750 millions de personnes qui parleraient le français en 2050, ne seraient que de simples chimères.
« Peut-être la politique est-elle l'art de mettre les chimères à leur place ? On ne fait rien de sérieux si on se soumet aux chimères, mais que faire de grand sans elles », disait déjà Charles de Gaule.
B.O
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