Shell abandonne l’exploitation du champ Miskar: Quand on transforme un "fiasco" en un exploit national !
L’officialisation du départ de la compagnie pétrolière Shell de la Tunisie a été fortement saluée par de nombreux Tunisiens dont essentiellement les partisans du président Kais Saied.
Ceux- ci l’ont même présenté comme un grand succès de sa politique. Selon eux, l’Etat tunisien a réalisé un coup historique en nationalisant l’exploitation du champ Miskar qui était détenu à 100% par Shell (qui l’a acquis en achetant British Gaz), puisque son exploitation se fera à travers la société APO qui appartient depuis quelques mois à 100% à l’ETAP (Entreprise Tunisienne d'Activités Pétrolières).
Or, ce qu’il faut signaler, dès le départ, c'est que cette euphorie n’a pas lieu d’être, puisque ce n’est pas le gouvernement tunisien qui a décidé de nationaliser l’exploitation de ce champ, mais c'est bel et bien Shell qui a décidé de renoncer à son droit préférentiel de se voir octroyer un renouvellement dudit champ.
Par la même occasion, elle a décidé d’arrêter ses activités en Tunisie pour diverses raisons annoncées, dont l’instabilité politique, la rigidité du pouvoir législatif, les grèves, les blocages anarchiques de la production, le non-paiement dans les délais contractuels par la STEG de ses livraisons de gaz, ainsi que l’absence de rentabilité de ce genre de petits gisements matures (en fin de vie) au moment où cette compagnie a choisi de mettre le cap sur la production d’énergies vertes moins polluantes pour réduire sa dépendance du pétrole.
Il est à rappeler dans ce cadre que Shell disposait de deux concessions gazières dans notre pays : Ce champ Miskar, qu'elle détenait à 100%, et le champ Hasdrubal, détenu à hauteur de 50% conjointement avec l’ETAP.
Les deux champs, Miskar et Hasdrubal, assurent quelque 60% de la production nationale de gaz. Le reste de la production est assuré par le champ Nawara (concession conjointe à 50-50 entre OMV et l’ETAP) et le champ Chergui (concession détenue à 55% par l’ETAP et à 45% par ENI).
La production nationale de gaz ne suffit qu’à assurer 30% de la consommation nationale, le reste est importé de l'Algérie.
La concession de Miskar est arrivée à sa fin en juin 2022 et c’est justement suite à la décision de Shell de quitter, que le champ est revenu à 100% dans le giron de l’Etat tunisien.
Contrairement à ce qu'on essaye de faire croire en manipulant les Tunisiens, la décision de Shell de quitter le pays aura un impact très négatif, puisque l’APO, détenu par l'ETAP, n'a ni les moyens, ni l'expertise pour exploiter ce champ, pour le compte de l’Etat tunisien.
Pire encore, en prenant cette décision, Shell va éviter de subir les coûts très élevés (certains experts parlent d’un milliard de Dollars) du démantèlement et de l’abandon du champ Miskar à la fin très proche de sa production.
Un coût qu’elle aurait dû assurer si le renouvellement de l’exploitation de ce champ lui avait été accordé, ou si un autre investisseur étranger avait acquis ce permis.
Mais malheureusement cela va désormais être de la responsabilité de l’Etat qui aura maintenant à affronter cette situation.
D’un autre côté, ce départ de Shell confirme l’inquiétant phénomène de la fuite des compagnies pétrolières de la Tunisie.
Après l’ENI, EnQuest, Shell exploration, Petrofac et Gulfsands Petroleum, la liste pourrait s’allonger, car même les compagnies qui ont choisi d’investir récemment dans notre pays, comme Mazarine et ATOG, risquent elles aussi de plier bagages parce qu’elles semblent exaspérées par le climat du travail en Tunisie.
Néanmoins, malgré l’aggravation de ce phénomène, qui ne cesse de réduire la production nationale du pétrole et du gaz, d’aggraver le déficit énergétique et d’impacter sur l’économie Tunisienne, nos politiques continuent à regarder ailleurs et ne lui accordent pas d’importance au moment où le pays a plus que jamais besoin de toutes ses ressources.
Pire encore, certains le considèrent comme un acquis de la nouvelle république. C’est pour cela qu’une prise de conscience des responsables de ce pays est plus que jamais nécessaire, pour essayer de sauver les meubles et d’éviter à la Tunisie les répercussions catastrophiques de l’aggravation inévitable du déficit énergétique.
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