Tunisie: La révolution par les urnes
Il y a seulement quelques jours, nul au monde ne pouvait imaginer pareil scénario lors de la présidentielle tunisienne. Ceux qui étaient attendus pour remporter la course vers Carthage ont été tout simplement humiliés par des électeurs exaspérés par les chamailleries politiciennes et une économie qui peine à garder la tête hors de l'eau boueuse.
Victimes du "dégagisme tunisien", les "favoris" de la course ont fini par réaliser qu'ils sont désormais indésirables. Ce sont finalement les plus inattendus qui ont été propulsés au devant de la scène, laissant pantois l'écrasante majorité des Tunisiens et décrédibisant même les analyses de spécialistes les plus rompus aux arcanes de la chose politique.
Il n'y a désormais plus l'ombre d'un doute. Le président de la République tunisienne s'appelle Kaïs Saied. Ce juriste de 61 ans, spécialiste en droit constitutionnel, est, tout comme son concurrent du second tour, un candidat anti-système.
Sans parti et sans la moindre expérience du pouvoir, cet indépendant austère reste une énigme qui a créé la grosse surprise sans même avoir fait de véritable campagne électorale. Sa campagne, si on peut l'appeler ainsi, s'est limitée à de simples visites de terrain et de pages animées par ses partisans sur Facebook.
Mais que n'a-t-on pas dit ou écrit sur Kaïs Saied? Diabolisé, qualifié de salafiste, taxé de nationaliste arabe, critiqué par ses détracteurs pour ses opinions jugées proches d'Ennahdha et très conservatrices sur les sujets de société, (il est pour la peine de mort, la poursuite de la criminalisation des homosexuels et contre l'égalité homme-femme devant l'héritage), l'homme est resté imperturbable et droit dans ses bottes jusqu'à la consécration finale. L'homme à la diction mécanique prône jusqu'ici un strict respect des lois.
Si en avril 2011, on a assisté à une révolution de la rue, aujourd'hui c'est une autre forme de révolution que la Tunisie semble vivre. "Il s'agit d'une révolution assez inédite, une révolution par les urnes, une révolution pacifique portée par des jeunes, une révolution dans le respect de la légalité", selon Rachida Annaifer, professeur de droit à l'université de Tunis, visiblement soulagée et émue par la victoire écrasante de son candidat.
Cette large victoire est, sans conteste, synonyme de rejet de la situation politique nauséabonde qui prédomine dans le pays depuis 2014, de la corruption génralisée, mais aussi d'une croissance économique au ras des pâquerettes.
Au-delà de tous les défis économiques qui l'attendent au tournant, Kais Saied compte être le président fédérateur de tous les Tunisiens. Tel est son grand objectif surtout quand on connaît la prochaine configuration du Parlement tunisien, un parlement émietté que d'aucuns qualifieraient d'ingérable.
O.D.
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