Tunisie: l'année 2008 en revue

Dans un contexte défavorable marqué par la crise économique mondiale, l'économie tunisienne s'avère étonnamment 

robuste en cette fin d'année 2008. Des progrès considérables ont été accomplis en matière de privatisation et de libéralisation, sous l'effet de l'évolution constante et progressive avec laquelle le pays s'attache à mettre en œuvre des réformes économiques fondamentales.

Sur le plan macro-économique, la Tunisie affiche une croissance saine et une inflation maîtrisée. La croissance du PIB est estimée à 5,1% pour 2008 - un taux inférieur à celui enregistré en 2007 (6,3%) mais qui reste néanmoins solide, compte tenu notamment du ralentissement de l'activité dans la Zone Euro, le plus grand partenaire commercial de la Tunisie.

En outre, malgré la flambée des prix des matériaux de construction et des denrées alimentaires, l'inflation s'est sensiblement ralentie pour atteindre 5%, tandis que les autres pays de la région, comme l'Égypte ou la Jordanie, sont aux prises avec une inflation de plus de 12%.

Le secteur bancaire national tunisien, qui est confronté à un certain nombre de difficultés depuis quelques années, affiche des résultats spectaculaires en 2008 en dépit de la conjoncture mondiale incertaine.

Deux des plus grandes banques publiques du pays (la Société Tunisienne de Banque et la Banque de l'Habitat) ont annoncé que leur bénéfice prévu en glissement annuel devrait se chiffrer autour de 9,3% et 14% respectivement pour l'année se terminant le 31 septembre 2008, tandis que la première banque privée du pays (la Banque de Tunisie) fait état d'un bénéfice en hausse de 15% durant la même période.

Le secteur bancaire tunisien présente un niveau de créances en souffrance (NPL) important depuis plusieurs années, et avec quelque 43 institutions financières, le secteur souffre également d'une trop grande fragmentation. Toutefois, les fondamentaux semblent en constante progression.

Un rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié en juillet 2008 constate que le secteur déploie de plus en plus d'efforts en vue d'améliorer la viabilité de ses pratiques de prêt, et note une baisse des prêts irrécouvrables de plus de sept points de pourcentage depuis 2004.

En outre, le comité stratégique de la Banque centrale entend faire appliquer les principes de Bâle II d'ici à 2010 de manière à renforcer la gouvernance d'entreprise interne et la provision pour risques, ainsi que pour assurer un service de qualité.

Le secteur bancaire tunisien fait encore souvent office de prêteur de premier ressort au secteur privé, bien que les entreprises locales se tournent de plus en plus vers les marchés de capitaux comme source de financement. L'introduction en bourse de Poulina Group en juillet dernier illustre bien ce point.

Par son entrée en bourse, Poulina, l'une des plus grandes entreprises du pays, est alors devenue la plus grande capitalisation enregistrée sur la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT). L'action a été souscrite quatre fois et l'opération a levé un montant de 83 millions de dollars par le biais de 16.67m d'actions vendues.

L'introduction en bourse de Poulina Group fait suite à une autre arrivée de taille fin mars, celle d'Artes, un groupe de distribution automobile qui a ouvert 39% de son capital à l'actionnariat public sur le marché local. L'opération d'introduction, qui était alors la plus importante sur la place de Tunis depuis plus d'une dizaine d'années, a permis à la société de lever près de 90 millions de dollars.

L'action a été souscrite 10 fois. Ces deux entrées en bourse ont certainement donné un coup de fouet à la BVMT, permettant à l'indice Tunindex de progresser de plus de 13% en glissement annuel au début du mois de décembre.

D'autres segments des marchés financiers ont également connu des changements fondamentaux. La privatisation partielle du géant tunisien de l'assurance STAR, dont 35% du capital a été racheté par l'assureur français Groupama, souligne l'ouverture progressive du marché des assurances tunisien à la concurrence, conformément à l'objectif national de libéralisation du secteur des services qui s'inscrit dans le cadre de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne.

L'engagement du Gouvernement à faire de la Tunisie une économie du savoir s'est rapidement traduit par une nette amélioration du niveau de pénétration et de sophistication des secteurs de la télécommunication et des technologies de l'information.

Les statistiques récemment publiées par le Ministère des Technologies de la Communication montrent que la part du secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le produit intérieur brut (PIB) s'est renforcée pour atteindre près de 10% en Septembre 2008, contre 7,8% au début de l'année 2007.

Ce résultat est en accord avec l'objectif gouvernemental qui est d'accroître la contribution du secteur à 13,5% du PIB d'ici 2012.

Un nouveau cadre réglementaire et technique a également été mis en place par décret présidentiel en juin 2008 fixant les conditions de fourniture du service de téléphonie sur protocole internet (VoIP).

Parallèlement, le parc d'abonnés a été renforcé ces dernières années grâce, en partie, au prêt PC, et au projet du PC familial. Plus de 22000 ordinateurs ont été achetés dans le cadre de ce programme, renforçant ainsi, l'ensemble des taux de pénétration des PC à environ 650.000.

Dans son rapport mondial sur l'usage des technologies de l'information, la Tunisie a été classée 35ème par le Forum Economique Mondial en 2008 en termes d'aptitude technologique, d'accessibilité et de réglementation.

Sur le plan régional, elle arrive au deuxième rang au Moyen-Orient et en Afrique du Nord après les Émirats arabes unis, et devance plusieurs pays dans la région comme la Jordanie (47ème) et le Maroc (74ème).

En vue de dynamiser le secteur des télécoms, le gouvernement tunisien s'est engagé à lancer un appel d'offres international l'année prochaine pour l'attribution d'une nouvelle licence de téléphonie globale, visant ainsi à libérer le secteur de la téléphonie fixe de l'actuel monopole public tout en accueillant un troisième opérateur sur le marché de la téléphonie mobile.

Selon la presse locale, le lauréat de l'appel d'offres, qui sera destiné aux opérateurs nationaux et internationaux, sera connu début 2010. Les précisions relatives au contenu de l'appel d'offres, à savoir si le réseau fixe actuel sera mis à disposition du nouvel opérateur ou si ce dernier devra créer sa propre infrastructure, n'ont pas encore été révélées.

Les industries traditionnelles ont aussi connu une forte croissance. En dépit du ralentissement de l'activité des marchés européens, le tourisme (l'un des secteurs économiques clés de la Tunisie et le deuxième plus grand employeur après l'agriculture) a montré une croissance régulière au cours des neuf premiers mois de 2008, avec des recettes records escomptées d'ici la fin de l'année.

Les chiffres officiels publiés au mois d'octobre montrent que les recettes touristiques de la Tunisie ont augmenté de 9% sur un an pour atteindre environ 1.8 milliard de dollars sur les neuf premiers mois de 2008.

En tenant compte des variations saisonnières de la demande, le gouvernement prévoit que le nombre de visiteurs atteindra 7 millions et que les recettes du secteur augmenteront de 8% pour atteindre un chiffre record de 2.4 milliards de dollars, d'ici la fin de l'année.

Le visage du pays est aussi appelé à changer rapidement, sous l'effet de la réalisation d'un ensemble colossal de projets immobiliers et d'infrastructures.

Sama Dubai s'est vu recevoir l'approbation de l'Etat au lancement des travaux de son gigantesque projet immobilier « Porte de la Méditerranée », qui sera réalisé pour un montant de 25 milliards de dollars, sur les berges du Lac Sud.

Au centre ville, le promoteur Emirati Bukhatir a engagé des travaux de construction d'une cité sportive à Tunis, un projet mixte qui s'étend le long de l'autoroute La Marsa en banlieue nord de Tunis, dont les travaux devraient être achevés en 2015.

Tout près, la société Al Maabar, originaire d'Abou Dhabi, a fait part de son intention de lancer Bled El Ward, un projet qui s'étend sur 5000 ha en banlieue nord de Tunis et dont les investissements prévus caracolent autour de 10 milliards de dollars.

Le groupe bahreïni « Gulf Finance House » est également sur la bonne voie concernant la réalisation de son projet de « Port Financier de Tunis », moyennant un investissement de 3 milliards de dollars.

Par ailleurs, l'infrastructure tunisienne est en pleine métamorphose, avec la réalisation d'un nouvel aéroport pour une enveloppe de 700 millions de dollars et un port en eaux profondes près d'Enfidha pour un investissement de 2 milliards de dollars.

Ces deux projets devraient permettre d'améliorer la liaison de la Tunisie avec les pays voisins. Des travaux ont également été engagés portant sur la réalisation d'un nouveau réseau ferroviaire régional ainsi que la construction de nombreuses routes, hôtels et stations touristiques le long de la côte méditerranéenne.

Malgré la conjoncture mondiale incertaine, le gouvernement tunisien prévoit que l'année 2009 prendra bonne tournure et qu'elle sera fructueuse.

Dans son projet de loi de finances 2009 présenté récemment, le gouvernement a revu à la hausse les dépenses publiques, qui devraient atteindre plus de 12 milliards de dollars.

Cette hausse de 12% devrait être en partie compensée par les flux d'investissements étrangers d'un montant de 1,75 milliards de dollars et un taux de croissance du PIB estimé à 5%.

L'inflation devrait quant à elle reculer à 3,5%, un taux plus accommodant pour pouvoir poursuivre le processus de privatisation et de libéralisation entamé.

Par Oxford Business Group