Tunisie : Le métier du journaliste se féminise et se fait envahir par les Freelances
Malgré la marginalisation et la précarité du métier de journaliste et malgré l’émergence des nouvelles technologies, de nouvelles façons de produire et de consommer l’information, qui ont profondément modifié la pratique du journalisme en Tunisie, ce métier continue d’attirer.
En effet, selon les chiffres de la commission indépendante d’octroi de la carte de journaliste professionnel, le nombre de titulaires de cette carte de presse ne cesse d’augmenter dans notre pays.
Ainsi de 1.578 en 2020, il est passé à 1.861 en 2022 pour atteindre 1899 en 2023.
Une profession qui se féminise de plus en plus
Selon les mêmes rapports, le métier de journaliste ne cesse de se féminiser en Tunisie. En effet, à part les 35 cartes honorifiques attribuées presque toutes à des journalistes hommes en retraite, sur les 1.899 cartes attribuées aux journalistes Tunisiens en exercice dans le pays en 2023 :
- 1050 ont été accordées à des femmes soit 55, 4% du nombre total de journalistes. Le nombre des journalistes femmes a, dans ce cadre, augmenté de 5 %, cette année puisqu’elles étaient 997 en 2022. Cependant, leur présence dans les médias demeure quantitative plutôt que qualitative, puisque la présence des femmes dans les postes de décision des médias demeure très faible, et elle ne dépasse pas les 11 %.
- 848 cartes de journalistes professionnels ont été attribuées à des hommes, soit quelque 44,6%. Ce nombre de journalistes hommes a diminué de 1% puisqu’ils étaient 864 en 2022.
- L’Etablissement de la Radio nationale tunisienne demeure le plus grand employeur de journalistes dans le pays avec 355 employés dans les dix chaînes de radio publiques (Radio Nationale, Radio jeunes, RTCI, Radio Culturelle, Radio Zitouna, Radio Monastir, Radio Sfax, Radio Gafsa, Radio Tataouine et Radio Le Kef).
- 219 journalistes travaillent à l’Etablissement de la Télévision Tunisienne dont 118 hommes et 101 femmes.
- 115 journalistes travaillent dans les chaînes de télévisions privées (50 femmes et 65 hommes).
- 136 journalistes travaillent à l’agence Tunis Afrique Presse (85 femmes et 51 hommes).
- 196 journalistes travaillent dans les radios privées (115 femmes et 81 hommes).
- 182 journalistes travaillent désormais dans les journaux en papier (90 hommes et 92 femmes).
- 9 journalistes seulement travaillent désormais dans les magazines spécialisés (7 femmes et 2 hommes)
Ces chiffres confirment la baisse de l’employabilité dans les journaux et magazines en papier de presque 9% en une année, puisque ces journaux faisaient travailler 224 journalistes en 2022.
Ce constat est dû à la disparition entre-temps de nombreux titres dont Al Bayane, Array el Am, Akhbar el Joumhouria, Al Fajr, Al Moussawar et Tunivisions…
-175 journalistes travaillent dans la presse électronique (89 femmes et 86 hommes).
Les freelances envahissent le métier
Comme dans tous les secteurs, les façons de travailler sont en train d’évoluer très rapidement dans le domaine du journalisme en Tunisie, et le freelancing est en plein essor selon les rapports de la commission indépendante d’octroi de la carte de journaliste professionnel.
C’est ce qui explique l’augmentation exponentielle du nombre de journalistes freelances (des professionnels de l’information indépendants dans l’exercice du métier, qui n’ont pas de contrat de longue durée avec un employeur particulier et qui sont rémunérés pour chaque article qu’ils rédigent ou chaque reportage qu’ils produisent.)
Leur nombre est ainsi passé de 146 journalistes freelances en 2020 à 420 en 2022 pour atteindre 512 en 2023 (278 femmes et 234 hommes).
Il est à signaler, dans ce cadre, que cette augmentation du nombre des freelances n’est pas spécifique à la Tunisie, puisqu’en Europe, ils représenteraient désormais un tiers des affiliés des syndicats de journalistes.
Néanmoins, la majorité de ces freelances sont à la peine. Démunis de statut légal fixe, ils ne bénéficient pas de sécurité sociale et sont victimes de l’instabilité des revenus.
C’est pour cela que ce marché des Freelances reste toujours porteur d’opportunités, même s’il est faiblement générateur de droits d’auteur.
En somme, entre marginalisation et précarité, une minorité de journalistes vit encore correctement en Tunisie, mais la majorité grandissante n’arrive pas à en tirer un salaire décent en exerçant un métier de moins en mois gratifiant et de plus en plus risqué.
Nour Ben Mrad
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