Tunisie: les orientations du prochain quinquennat présentés par M. Ghannouchi
M. Mohamed Ghannouchi, premier ministre a présenté mardi au Palais du Bardo, la déclaration du gouvernement
sur le projet du XIIème plan quinquennal de développement (2010/2014), en présence de M. Foued Mebazaa, président de la Chambre des Députés et des membres du gouvernement.
Le premier ministre a indiqué que le XIIème plan constitue un outil pour la concrétisation du programme présidentiel"Ensemble, relevons les défis", qui permettra à la Tunisie d'entamer une nouvelle étape avec d'autres objectifs qualitatifs, à savoir l'accélération du processus de développement et de modernisation ainsi que du rythme des réalisations dans tous les domaines politique, économique, social et culturel.
Il a mis en exergue les orientations et objectifs du prochain quinquennat, qui se basent sur un ensemble d'acquis et de réalisations accomplis durant plus de deux décennies de réformes, ayant permis d'enregistrer un saut qualitatif dans tous les domaines.
Cette mutation, a t-il précisé, se reflète à travers l'évolution continue marquant la vie politique, sur la voie de l'enracinement du processus démocratique pluraliste, du renforcement des droits de l'Homme dans le texte et dans la pratique et de la garantie de la solidité, de l'efficience et de la compétitivité de l'économie nationale.
Il s'agit, également, de l'intégration à l'espace économique mondialisé et du renforcement de la capacité de la Tunisie à faire face aux soubresauts de la conjoncture mondiale.
Le Premier ministre a, aussi, évoqué les indicateurs sociaux qui ont enregistré une amélioration continue sur tous les plans, ce qui a renforcé les fondements de la croissance et de la prospérité pour toutes les catégories.
Cette mutation se reflète, a-t-il relevé, à travers le classement de la Tunisie, premier pays dans le monde depuis 2000, pour ce qui est de la rapidité de l'évolution de l'indice de développement humain qui regroupe les facteurs relatifs à la santé, à l'enseignement, à l'acquisition des connaissances, aux revenus et aux conditions et à la qualité de vie.
M. Ghannouchi a fait observer que les soubresauts enregistrés au niveau des marchés mondiaux et les impacts sans précédent de la dernière crise financière et économique mondiale, ont constitué un test réel quant à la capacité de l'économie à faire face aux pressions enregistrées.
La Tunisie est parvenue, en interagissant positivement avec ces évolutions et en adoptant avec célérité les mesures idoines, à garantir la continuité du processus de développement et réaliser des résultats positifs dans les différents domaines.
Le Premier ministre a, par ailleurs, passé en revue le bilan positif que la Tunisie a réussi à réaliser au cours de la période 2007/2009, en matière de croissance, de revenu individuel, d'emploi et de promotion de l'investissement global et de l'épargne nationale outre la réussite du pays à contenir le déficit courant de la balance des paiements, ce qui a montré la justesse de la démarche adoptée pour la préservation des équilibres financiers du pays.
M. Ghannouchi a indiqué que les objectifs tracés au cours du plan de développement quinquennal consistent en la réalisation d'une croissance du PIB de 5,5 % aux prix constants outre le développement des sources de croissance et le relèvement de la part des activités à fort contenu de savoir de 25% en 2009 à 30% en 2014.
Il s'agit également, de relever le revenu par tête d'habitant à 8300 dinars en 2014 et de couvrir la totalité des demandes additionnelles d'emploi, ce qui va permettre d'abaisser le taux de chômage d'un point et demi, conformément au programme présidentiel tout en orientant l'effort notamment, vers les demandeurs d'emploi ayant le niveau du supérieur dont la part dans les demandes additionnelles, va croître de 60% actuellement à 70% en 2014, de manière à réduire sensiblement le taux de chômage pour cette catégorie.
Le Premier ministre a avancé que la Tunisie aspire au cours de la prochaine période, à hisser l'indice de développement humain au niveau des pays à développement humain élevé, soit 810 pour mille ainsi qu'à renforcer les équilibres financiers en tant que condition essentielle pour la garantie du développement durable pour les générations actuelles et futures et à préserver la crédibilité de la Tunisie et l'indépendance de sa décision.
Il a précisé que les efforts cibleront la réduction de la dette extérieure à moins de 30% du PIB en 2014, l'abaissement du taux de la dette publique à 40,4% du PIB et la maîtrise de la couverture des besoins de financement de l'économie nationale.
M.Ghannouchi a mis l'accent sur les conditions à même de réaliser les objectifs du nouveau quinquennat.
Il s'agit, a- t-il précisé, de consolider les efforts d'investissement, de promouvoir les exportations et d'améliorer la productivité.
Ces préalables sont à même de permettre à l'économie nationale de répondre aux exigences de cette phase décisive, relever les défis, notamment celui de l'emploi, outre l'intégration effective du pays dans la sphère économique mondiale.
Il a indiqué que l'action sera axée sur le renforcement de l'investissement global, dont la moyenne devra atteindre 11,2% par an. Le volume de ces investissements s'élèvera à 98 milliards de dinars au cours du quinquennat (2010/2014), soit 26% du PIB à l'horizon 2014, contre 23,9% en 2009.
Le budget de l'Etat jouera un rôle de premier plan dans la concrétisation de cet objectif. En effet, 26,5 milliards de dinars des dépenses de développement seront consacrés au développement de l'infrastructure de base, des équipements collectifs et l'encouragement de l'initiative privée.
La Tunisie œuvre à impulser le rythme de croissance de l'investissement privé de 13,8% par an, à développer les méthodes d'attraction de l'investissement extérieur et à diversifier ses ressources.
Il s'agit en outre d'attirer les entreprises mondiales opérant dans les activités technologiques à haute valeur ajoutée, l'ultime objectif étant d'atteindre un volume global de 17,2 milliards de dinars, soit environ 29% du total des investissements du secteur privé.
La Tunisie vise en outre à hisser l'apport de l'exportation dans la croissance pour atteindre plus de 40%, outre le renforcement de l'intégration du pays au sein de l'économie mondiale à travers la consolidation du partenariat avec l'Union Européenne et la signature d'accords de libre échange avec d'autres pays, dans la perspective d'ouvrir de nouvelles opportunités pour l'échange commercial et l'écoulement des produits et des services nationaux.
Un troisième programme de développement des exportations sera adopté en vue d'aider les entreprises à diversifier leur produits, accéder à des nouveaux marchés et adopter des politiques promotionnelles actives, en vue de tirer profit des opportunités existantes en matière d'exportation et d'accès à de nouveaux marchés.
Les efforts seront, par ailleurs, axés sur la mobilisation des capacités existantes en vue de renforcer la compétitivité, notamment à travers la consolidation de l'efficience des services logistiques, de transport, des services bancaires, outre les différents services professionnels destinés à l'entreprise.
Il s'agit, en outre, d'inciter les entreprises à renforcer les investissements immatériels, l'encadrement et la productivité, dont la contribution à la croissance doit atteindre 50% à l'horizon 2014.
M.Ghannouchi a souligné que la réalisation de ces objectifs nécessite de déployer davantage d'efforts en vue promouvoir les ressources humaines, valoriser les compétences et développer le système de la recherche scientifique et technologique.
Il a évoqué, dans ce cadre, l'approfondissement du système éducatif et d'enseignement, la formation professionnelle, outre la consolidation de la qualité de l'enseignement supérieur. Il s'agit de renforcer le niveau des universités tunisiennes pour leur permettre de se hisser aux rangs des normes internationales et faciliter l'homologation des diplômes nationaux avec les diplômes universitaires des pays développés.
Conformément aux orientations et objectifs tracés par le programme présidentiel, les efforts seront en outre axés sur la consolidation de l'autonomie des universités et le renforcement du système de formation des formateurs dans les différentes étapes de l'enseignement universitaire, outre la réalisation d'un taux plus élevé de co-diplomation entre les universités tunisiennes et celles des pays développés.
Le Premier ministre a souligné que le renforcement de la recherche scientifique et l'innovation technologique figurent parmi les priorités du plan quinquennal.
Les efforts seront axés, dans ce cadre, sur la concrétisation des résultats de la recherche scientifique dans des projets et des technologies applicables dans le domaine de production.
Il s'agit en outre d'encourager les contrats de partenariat dans le domaine de la recherche/développement entre les entreprises de production, les universités et les centres de recherche.
Des réseaux sectoriels d'innovation seront notamment crées, a indiqué M.Ghannouichi, précisant que ces structures seront formées d'entreprises économiques, de structures de recherche, d'enseignement supérieur et des structures d'appui.
Elle opéreront dans plusieurs domaines comme l'énergie, la biotechnologie, les industries alimentaires et électroniques, les TIC (technologies de l'information et la communication) et les nanotechnologies.
Le secteur des TIC occupe, pour sa part, une place de choix dans le cadre des orientations du prochain quinquennat. Les objectifs tracés dans ce cadre concernent notamment la modernisation de l'infrastructure de communication et le développement des services numériques.
M. Ghannouchi a, par ailleurs, mis en relief la corrélation qui existe entre la préservation des équilibres financiers de l'économie nationale et l'impulsion du processus de développement durable, précisant que la part de l'épargne nationale sera portée à 23,6% à l'horizon 2014 (contre 21,7% en 2009), ce qui est de nature à permettre de couvrir 73,3% des besoins de financement de l'économie.
Le gouvernement s'emploiera, également, à améliorer le rendement fiscal, en adoptant un programme cohérent destiné à moderniser le système fiscal et ses prestations, outre la maîtrise des dépenses de compensation, afin de limiter leur volume à hauteur de 1500 millions de dinars par an.
Il est prévu, d'autre part, la réduction de la part des créances classées à moins de 7% en 2014, conformément à l'objectif fixé dans le programme présidentiel "Ensemble, relevons les défis".
La dynamisation du développement régional, a ajouté le premier ministre, figurera à la tête des priorités de la prochaine étape, partant de la conviction du Président de la République qu'il ne peut y avoir de pérennité pour un développement qui ne s'appuie pas sur l'équilibre entre les régions, ni de stabilité pour une société, où le bien-être perdure dans certaines régions, à l'exclusion d'autres.
Il sera procédé, dans ce contexte, au renforcement de la compétitivité des régions et à la diversification de leurs bases économiques, à travers la multiplication des études stratégiques sur les potentialités qu'elles recèlent, la création d'un réseau de complexes industriels et technologiques, de manière à favoriser le lancement de projets dans des activités à haute valeur ajoutée pour l'emploi des diplômés du supérieur.
De plus, le développement de l'infrastructure de base sera poursuivi, ce qui contribuera à l'impulsion de la dynamique de l'investissement dans les différentes régions et à la connexion des diverses zones de production.
Les efforts seront axés, en outre, sur le développement des réseaux de routes classées et de routes régionales, le renforcement de la liaison entre les régions de l'intérieur et les zones côtières et l'extension du réseau des autoroutes. Une enveloppe de l'ordre de 3 milliards de dinars par an a été allouée à ces projets, durant la période de ce plan de développement.
M. Ghannouchi a affirmé que le projet du XIIe plan de développement est venu traduire l'attachement au choix qui consacre la corrélation étroite entre l'économique et le social, qui demeure une constante du schémas de développement en Tunisie, tout en étant un facteur de développement et de stabilité.
Il a rappelé que la part des transferts sociaux dans le PIB sera maintenue aux environs de 20% et que la couverture sociale sera portée à 98% en 2014, outre la nécessité d'accorder une meilleure attention aux personnes à besoins spécifiques et aux catégories à revenu limité.
Le Premier ministre a précisé, à cet égard, que la couverture sanitaire sera confortée, à la faveur du renforcement des mécanismes et programmes de prévention, de la promotion de la qualité des prestations sanitaires et de leur rapprochement du citoyen, de la consolidation de la couverture médicale, dont en particulier la médecine de spécialité dans les zones prioritaires, et ce, dans le cadre de la stratégie visant à améliorer les indicateurs de santé dans ces régions.
Ces différentes politiques de développement auront, a-t-il indiqué, un impact des plus positif sur l'espérance de vie à la naissance, qui atteindra, en 2014, 75,2 ans et se rapprochera, ainsi, de la moyenne en vigueur dans les pays développés.
M. Ghannouchi a déclaré que les efforts seront poursuivis afin de conforter la place de la femme au sein de la famille et dans la société, ainsi que dans les différents domaines et activités politique, économique et social, tout en accordant une attention particulière à la femme rurale, à travers les programmes spécifiques arrêtés à cet effet.
Il a rappelé que la femme tunisienne représente aujourd'hui un partenaire à part entière dans l'oeuvre de développement, notamment grâce aux initiatives et réformes décidés par le Chef de l'Etat et qui ont permis de la hisser au rang de partenaire et de consolider sa présence dans les postes de décision et de responsabilité.
Le premier ministre a, d'un autre côté, souligné que la promotion des jeunes est considérée comme une constante fondamentale de la politique tunisienne de développement, ce qui s'illustre à travers le souci constant d'être à l'écoute de leurs préoccupations, d'intensifier leur encadrement, de multiplier les tribunes de dialogue avec eux et d'oeuvrer à les impliquer davantage dans la vie publique. Les manifestations qui seront organisées dans le cadre de la célébration de l'année internationale de la jeunesse, a t-il indiqué, offriront une occasion propice pour mettre en relief ces initiatives présidentielles, consacrer les aspirations des jeunes et les associer à la conception de l'avenir du pays.
M. Ghannouchi a affirmé que l'étape à venir sera marquée par l'organisation de la 4ème consultation de la jeunesse et la mise en oeuvre de la stratégie nationale de la jeunesse, outre la progression sur la voie de la mise à niveau et du développement des établissements et clubs sportifs et récréatifs de jeunesse.
Il a, sur un autre plan, fait observer qu'au cours de la prochaine étape il sera procédé à l'enrichissement des acquis du secteur culturel et au renforcement de son rôle dans la stimulation des efforts d'innovation et de création, et l'enracinement des valeurs de modération, de juste milieu et de tolérance, en plus du développement des industries culturelles et de la consolidation de l'attention portée au patrimoine, notamment à la lumière de l'accroissement de la part du budget réservé au secteur de la culture en le portant à 1,5% à l'horizon 2014.
Le premier ministre a relevé que les tunisiens à l'étranger demeurent au coeur de la patrie et qu'ils représentent un solide pilier de développement, réaffirmant l'attachement présidentiel de conforter leur lien avec le pays et d'associer davantage les élites et compétences tunisiennes résidant à l'étranger à l'effort de développement national.
M. Ghannouchi a fait remarquer que le développement de la vie politique constitue une orientation inaltérable et un processus continu, et que chaque nouvelle étape franchie dans ce domaine est de nature à ouvrir de plus larges perspectives devant l'ensemble des tunisiens pour contribuer de manière active à la vie publique.
Il a dans ce cadre rappelé les initiatives successives prises par le Chef de l'Etat en vue d'impulser le processus démocratique pluraliste, d'élargir la sphère de participation, de multiplier les espaces de dialogue et de concertation et de soutenir les partis politiques nationaux et de les aider à promouvoir leur rôle en matière d'encadrement des citoyens et d'organisation de leur participation à la vie politique outre l'ancrage du partenariat entre l'Etat et la société civile dans les différents domaines d'intérêt public.
Il a également relevé que le Parlement des jeunes dont la mise en place est en cours de réalisation et qui réunira des représentants des différents partis politiques, représentés à la chambre des députés, ne manquera pas de dynamiser la participation des jeunes à la vie publique et de les exercer à assumer la responsabilité.
Le premier ministre a déclaré que l'Etat veillera à promouvoir l'information avec ses différentes composantes, de façon à intensifier le dialogue national, à enraciner l'exercice de la démocratie et à faire en sorte que ce secteur réponde de plus en plus aux aspirations de la collectivité nationale.
Il a, à cet égard, fait remarquer que les rencontres périodiques entre les membres du gouvernement et les parties concernées par les domaines de spécialités, dont la télévision et la radio tunisiennes ont entamé la diffusion, sont l'une des illustrations de cette démarche, dès lors qu'elles constituent de nouvelles tribunes de communication entre les structures gouvernementales et les citoyens et offrent l'occasion d'être attentif à leurs préoccupations et de leur fournir des informations globales et précises, d'ancrer la culture de la démocratie et de la transparence.
M. Ghannouchi a indiqué qu'autant l'Etat veille à consacrer le droit à la différence, la liberté d'opinion et d'expression et la critique objective, autant il ne tolère aucune surenchère ou atteinte aux acquis de la collectivité nationale, aux intérêts vitaux de la Tunisie et à sa sécurité économique, qui est partie intégrante de sa sécurité globale, ce qui s'est concrétisé à travers l'adoption de l'amendement de l'article 61 bis du code pénal.
Il a en conclusion affirmé que la progression dans le sens de l'enracinement du processus démocratique pluraliste, sur la base des principes du régime républicain et de l'état de droit et des institutions, est une orientation de principe qui consacre les fondements du développement global avec ses dimensions économique, sociale, culturelle et politique.