Tunisie : Silence Radio !
Le jeudi 18 juin 2020, les Tunisiens risquent sérieusement de se réveiller sur un silence radio, au propre comme au figuré. Depuis plusieurs années, l’Union Internationale des Télécommunications a décidé de faire déguerpir toutes les radios de la bande II, porteuse des fréquences FM. La Tunisie ne se sent pas concernée.
Le 5 mai 2015, à l’inauguration de Radio Med, le ministre des Technologies de l’Information et de la Communication, Noômen Fehri, s’étalait sur la télévision numérique terrestre (TNT). Trouvant qu’il était mieux indiqué de parler radio, j’intervins pour lui dire, en dix minutes, qu’il était beaucoup plus urgent de s’occuper de la radio numérique terrestre (RNT). Tout attentif et humble, le ministre me répondit qu’il n’en avait jamais entendu parler.
Les pays européens ainsi que les Etats-Unis sont fin prêts pour le 17 juin 2020. La Suède est passée au tout numérique depuis bientôt une année, en production, diffusion, réception et stockage. D’autres, comme en Asie, s’activent avec plus ou moins de bonheur. Dans le monde arabe et en Afrique c’est le silence radio sauf au pays de Mandela où la ville de Pretoria est arrosée par la RNT, en diffusion expérimentale.
En Tunisie, nous sommes en retard. A titre d’exemple, c’est en 2008 que la France entamait son dossier RNT. Elle est encore en phase expérimentale. La RNT exige du temps pour le choix de la technologie, chose devenue aisée grâce aux erreurs des autres, mais aussi pour le mode d’arrosage dont il va falloir s’acquitter en tranchant entre l’arrosage uni ou compartimenté. Du temps également pour le choix des récepteurs et leur commercialisation.
Le plus délicat dans tout cela n’est pas la technologie mais ses incidences sur les choix éditoriaux pour les radios, le marché publicitaire dont la géométrie changera forcément avec des radios qui arroseront tout le pays, et la formation des hommes et des femmes de la radio dont les outputs se trouveront modifiés par l’interférence entre technologie et contenus.
La Tunisie, à moins que la technologie galopante ne l’y contraigne, choisira le DAB+ (Digital Audio Broadcast) avec l’arrosage de tout le pays. Ce choix mettra toutes les radios sur un pied d’égalité, toutes diffuseront sur tout le territoire avec la même qualité de son, donc de réception. Cet état de fait contraindra les radios à se donner, chacune, une identité en révisant ses choix éditoriaux. Et c’est là où le bât blesse : s’adapter ou disparaître. Pour s’adapter, il faut du temps.
Pourquoi donc cette léthargie ? Qui en est responsable ? Aucune explication ne point à l'horizon si ce n’est de l’apathie des services concernés. Quant à la responsabilité, elle est partagée et incombe aussi bien aux services en charge des télécommunications qu’à la HAICA. La Tunisie n’est-elle pas membre de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) ? Les ingénieurs en télécommunications ne savent-ils pas le coût de l’opération en termes de travail et de temps ? La HAICA n’est-elle pas tenue par le décret-loi 116, dans son article 20, de présenter dans son rapport annuel « les données relatives au plan des fréquences » ? L’a-t-elle fait ?
Deux ans plus tôt, Rachid Arhab, membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel de France (CSA), a visité la Tunisie et s’est entretenu avec des membres de la HAICA. Rachid Arhab était le monsieur RNT au CSA où il avait la charge du dossier radio numérique. Aurait-il oublié d’évoquer le dossier avec ses vis-à-vis ? De quoi avaient-ils parlé ?
Il est à craindre, sans dramatiser, que le 13 février 2021 l’on ne fête pas la Journée mondiale de la radio en raison de son silence, alors que les radios d’Afrique du Sud, au pays de Mandela, auront quitté pour toujours la bande II pour s’installer fièrement dans la bande L, domaine de la RNT.
Mohamed Chelbi.
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