Gouvernement Chahed : Soutien sans coudées franches

Gouvernement Chahed : Soutien sans coudées franches

 

Sans surprise le gouvernement Youssef Chahed obtient l’investiture de l’assemblée des représentants du peuple après une journée marathonienne quasiment non stop. Même l’ampleur du soutien n’est pas surprenant. Avec 167 voix pour, 22 contre et 5 abstentions, le nouveau Chef de gouvernement fait autant que  son prédécesseur Habib Essid. C’est le contraire qui aurait étonné puisque toutes les forces politiques à l’ARP à l’exception du Front populaire et des représentants de l’ancien CPR, de Tayar Mahaba et du Courant démocratique ne lui ont pas accordé leur soutien.

Si le style fait l’homme, Youssef Chahed présente, sans conteste,  un style nouveau. Direct, il l’a parfois été avec une certaine fougue et beaucoup de rudesse. Le pays va mal et il en a dressé un tableau noir, sinon noirci. Cet élan de sincérité, il voulait en faire un moteur pour son action future. Mais la monnaie peut avoir son revers, puisqu’il a été mal compris lorsqu’il a dit que «  si rien n’est fait, l’austérité avec sa vague de licenciements deviendrait inévitable ». Ce langage voulu mobilisateur peut se retourner contre son auteur. Un style jeune, pas tant que ça puisque la jeunesse même présente dans son équipe était la grande absente dans son discours. Pas une ligne sur la politique qui devrait être menée en faveur des jeunes. Ni sur la réforme de l’enseignement ni sur les efforts à faire au niveau de la formation professionnelle ou de l’enseignement supérieur.

Youssef Chahed se voulait sérieux, trop sérieux peut être.  Sous ses airs d’élève studieux de bonne famille, il s’est montré de bout en bout sombre sinon lugubre. A aucun moment il ne s’est déridé. Il a pris le masque de la situation dans laquelle se trouve le pays. A-t-il tort d’en faire trop ? La question mérite d’être posée.

En utilisant un arabe dialectal à la portée de tout le monde et compréhensible par l’ensemble des Tunisiens, il a marqué des points en matière de communication. Mais le texte était écrit de bout en bout, cependant il a su le présenter comme s’il était en train d’improviser, ce qui n’est pas donné à tout le monde. La gestuelle, néanmoins, pêchait par un manque d’assurance qui devait s’estomper par le temps.

En empruntant le slogan de Chokri Belaïd (nous devons nous mobiliser pour la Tunisie) et en la répétant plusieurs fois, il s’est mis dans l’habit du tribun qu’il n’est pas encore et qu’il peut devenir s’il laisse faire  sa nature qui semble en apparence joviale et déridée.

En lui accordant son investiture à plus de 76% de ses membres (167 sur 217 dont 190 ont pris part au vote) l’assemblée des représentants du peuple ne lui donne pas pour autant un chèque en blanc. Si on écoute les nombreux députés qui se sont succédé, on se rend compte que rares sont ceux qui n’émettaient pas des réserves. Y compris et peut être surtout au sein de son propre parti Nidaa Tounés. Même les députés d’Ennahdha qui cachent d’habitude leurs états d’âmes n’ont pas manqué de lui dire qu’ils lui accordent un soutien vigilant. Sans parler de Machrou3 Tounés (groupe Horra) ou l’UPL qui ont pris la décision de le soutenir apparemment à contrecœur.

Même soutenu avec une telle ampleur, le gouvernement de Youssef Chahed n’aura pas les coudées franches et son travail ne sera pas facilité par une assemblée qui a paru avoir été forcée à lui accorder son soutien parfois du bout des lèvres.

D’ailleurs c’est pour cela que le président de l’ARP a saisi la balle au bond à propos du « contrat de partenariat » que Youssef Chahed propose à la fin de son discours  entre  le gouvernement et les différentes composantes de la société représentée à l’ARP pour dire qu’il en acceptait le principe à charge pour le nouveau chef de gouvernement d’en détailler les objectifs et les finalités. Mohamed Ennaceur qui fut l’auteur du contrat social des années 1970 sera-t-il  l’artisan du contrat politique des années 2016-2020. Il faut l’espérer.

Raouf  Ben Rejeb

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