Habib Bourguiba, « ce plus vieux interdit de liberté du monde » !
Jamais le père de l’indépendance, Habib Bourguiba, n’a été aussi présent dans les discours des politiques ni dans la mémoire des Tunisiens que ces derniers temps. Même ceux qui refusaient de lire la « Fatiha » à sa mémoire, l’encensent et l’affublent du qualificatif qu’il affectionnait le plus, « le Combattant suprême ». Son héritage est devenu la chose la mieux partagée par les Tunisiens qui le portent, plus que jamais, dans le cœur. « Le bâtisseur de la Tunisie moderne et le libérateur de la femme » s’est transformé en un référent consensuel et ceux, parmi les militants de gauche et des droits de l’homme qu’il avait, pourtant, « punis », se considèrent comme ses héritiers naturels. Quand le membres de sa famille destourienne l’ont abandonné pour monter dans le paquebot de « l’artisan du 7 novembre 1987 », le laissant seul dans sa vile natale Monastir où il a été « assigné à résidence », les quelques rares voix qui se sont élevées pour appeler à un meilleur traitement du père fondateur, venaient des militants de gauche, comme Georges Adda, du parti communiste qui, dans une lettre adressée à Ben Ali en 1997, l’adjurait de rendre à Bourguiba, qu’il qualifiait du « plus vieux interdit de liberté du monde », «sa pleine et entière liberté de se déplacer et de recevoir».
Ses options étaient progressistes
Dans son livre « Mon combat pour les lumières », feu Mohamed Charfi qui a passé, à la fin des années soixante, quinze mois dans le bagne de Borj Roumi, écrivait que Bourguiba « avait conduit «la lutte pour concrétiser l’indépendance et construire un État moderne avec une très grande maestria ». Il admirait « sa pédagogie, l’art qu’il avait d’expliquer dans des termes simples et clairs les théories les plus élaborées… Ses options étaient progressistes, parfois véritablement révolutionnaires ».
Pendant ce temps, on n’avait pas beaucoup entendu les thuriféraires ni les laudateurs du « combattant suprême ». Rares étaient les « disciples » qui, de temps à autre, tentaient de briser le silence autour de leur guide. Ils avaient assisté, sans brocher, au déboulonnage de sa statue équestre de l’avenue qui porte son nom en plein cœur de Tunis, pour l’installer à la Goulette, « sa place naturelle », expliquaient-ils. La photo placée sur son cercueil, un certain jour d’avril 2000, à la maison du parti qu’il avait fait construire au début des années 1970, montrant le Grand disparu sous le visage d’un vieil homme affecté par la maladie, poursuivra à jamais ses auteurs. Ce même cercueil qui fut par la suite transporté dans les soutes d’un avion estampillé du sigle « 7 novembre, n’avait suscité beaucoup de réactions. Passe pour ses funérailles, non retransmises par la télévision nationale ni par aucune autre chaine. Un « ratage » que le monde entier a stigmatisé et brocardé. Les images de ces jeunes lycéens qui, pourtant, n’avaient pas connu Bourguiba et qui criaient leur colère dans les rues de la capitale contre cette humiliation faite au « père de la nation », en disaient long sur la mauvaise gestion d’un événement, celui de la mort du premier président de la République, à qui un hommage appuyé a été rendu par les grands du monde.
« Le bon grain de l’ivraie »
Aujourd’hui, Habib Bourguiba est au cœur de l’actualité et de l’histoire. Béji Caid Essebsi qui fut l’un de ses fidèles disciples, écrivait, dans son livre « Habib Bourguiba, le bon grain de l’ivraie » que « lorsque le temps fera son œuvre, que le bon grain sera débarrés de l’ivraie et que l’histoire prendra le pas sur l’actualité, Habib Bourguiba sortira alors du purgatoire et la statue équestre reprendra sa place, à Tunis, sur l’avenue Bourguiba, face à la statue d’Abderrahmane Ibn Khaldoun, le sociologue tunisien le plus illustre de tous les temps ». C’était prémonitoire. Et ce même Béji Caid Essebsi, aujourd’hui, président de la République qui remettra son maitre à penser sur son piédestal.
B.O
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