Il y a 174 ans l’esclavage fut aboli mais le racisme subsiste encore

Il y a 174 ans l’esclavage fut aboli mais le racisme subsiste encore

Pour célébrer l’anniversaire de l'abolition de l'esclavage, le défunt président de la République, Béji Caïd Essebsi, a décidé, l’année dernière, de faire de la journée du 23 janvier de chaque année une journée nationale de l'abolition de l'esclavage et de la traite des humains.

Il faut, en effet, remonter à 1846 quand Ahmed Bey 1er, lui-même fils d'esclave, décida par un décret beylical d'abolir définitivement l'esclavage, avant bien des pays développés dans le monde comme les Etats-Unis d'Amérique, en décembre 1865, ou encore la France où il a été définitivement aboli en avril 1848. Procédant par étapes, il avait commencé par fermer « le marché aux esclaves de Tunis et annoncé en décembre 1842 que toute personne née dans le pays était désormais libre ». Pour éviter le mécontentement de la population blanche et assurer à son décret une couverture religieuse, il obtint au préalable des « fatwas des oulémas dont celle, sans précédent dans le monde arabo-musulman, accordée par le grand mufti Sidi Brahim Riahi ». N'empêche, le racisme ne prit pas fin pour autant et les vexations continuèrent à l'égard de ces Noirs qu'on appelait péjorativement « Abd » ou « Chouchen ». Alors que l’esclave blanc est appelé   Mamluk ou Saqlabi et l’esclave berbère Akli. Les esclaves affranchis qui, selon les historiens, se comptaient par milliers, constituaient « un sous-prolétariat, végétant dans les petits métiers ou sans métier et vivant dans des habitations précaires ». Ils étaient, le plus souvent, marchands ambulants, masseurs dans les bains maures, domestiques ou nounous qu'on appelait « dada ».

Célébrer cette journée est une juste reconnaissance de cet événement historique. Elle arrive à un moment où la Tunisie, pourtant pionnière dans ce domaine, connaît, de temps à autre, une flambée raciste qui souille cette image de pays tolérant. Non seulement contre les ressortissants subsahariens mais également contre nos compatriotes de couleur.

Les subsahariens victimes de vexations

Car les faits sont là et prouvent cette contradiction caractéristique de la Tunisie entre des lois modernistes et égalitaires et une réalité qui reste aux prises avec des mentalités peinant à évoluer. Les actes de ségrégation visant la communauté subsaharienne n'ont pas cessé au cours des dernières années. La « communauté noire » africaine comme l'appellent certains ou « subsaharienne » comme la qualifient d'autres, composée d'étudiants et de travailleurs, est très souvent soumise à un harcèlement en tous genres, par des patrons véreux, une police laxiste, des services administratifs qui transforment la délivrance de leurs papiers en un vrai casse-tête. Le permis de séjour accordé aux étudiants a une validité de neuf mois seulement et chaque journée dépassée est sanctionnée d'une amende de 25 euros (environ 60 dinars tunisiens). C'est pourquoi le nombre d'étudiants subsahariens inscrits dans les universités tunisiennes a chuté, passant de 12.000 en 2010, à 5.400 actuellement. A noter, par comparaison, que la politique tunisienne en la matière contraste avec celle du Maroc qui multiplie les appels du pied aux étudiants subsahariens dont le nombre avoisine les 20.000, contre un millier seulement en 1994, dont la moitié bénéficie de bourses d'études.

Les travailleurs, eux, vivent souvent dans l'irrégularité et sont de ce fait soumis à diverses tracasseries et à l'exploitation d'employeurs sans scrupules. On les trouve dans les chantiers, les restaurants ou employés comme domestiques. Leurs passeports sont parfois confisqués et leur salaire est inférieur à celui des Tunisiens. La violence fait partie du quotidien de toute cette population africaine. Agressions et tentatives de viol sur de jeunes émigrées noires sont également fréquentes. Sans compter les vexations en tous genres.

Même les Tunisiens de couleur n’y échappent pas

Aujourd'hui encore, les Tunisiens de couleur qui représentent un peu plus de 1 % de la population totale, n'échappent pas au racisme. Dans un petit village appelé « El Mdou », à huit kilomètres de Gabès, les quelque trois cents habitants de couleur qui y vivent sont régulièrement victimes de vexations et de brimades. Leurs morts sont enterrés dans un cimetière à part et leurs enfants n'aspirent pas à se marier un jour avec un ou une blanche. Même si un tel cas pouvait se produire, le couple risquerait l'excommunication et les enfants nés de ce mariage mixte seraient interdits de voir leurs grands-parents blancs.

A noter aussi que depuis l'indépendance du pays, aucune personnalité noire n'a accédé aux plus hautes fonctions de l'Etat, ni à un poste ministériel. Pourtant, l'histoire nous apprend que le grand guerrier le général Hannibal Barca était noir.

Comment se fait-il que ce pays qui a voté une loi unique dans le monde arabo-musulman criminalisant tout acte raciste agisse de la sorte ? Cette Tunisie qui portait jadis le nom de tout le continent, Ifriqiya, et qui fut pionnière de l'abolition de l'esclavage !

B.O

 

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