La méditerranée, une mer cimetière à ciel ouvert des rêves des migrants clandestins

La méditerranée, une mer cimetière à ciel ouvert des rêves des migrants clandestins

 

« Nous sommes tous des immigrés, il n'y a que le lieu de naissance qui change. »

L’immigration clandestine de jeunes africains vers l’Europe est devenue un véritable fléau ces vingt dernières années. Elle a engendré des milliers de morts et de disparus depuis lors. La méditerranée se pose aujourd’hui comme la principale voie de sortie pour ces populations fuyant, pour certains, les affres de la guerre dans leurs différents pays, ou la famine, et pour d’autres, le chômage, ou à la recherche d’une vie meilleure.

Des chiffres effrayants

Avant même le milieu de l'année, 100.000 personnes ont traversé la Méditerranée depuis janvier 2017, pour atteindre l'Europe, selon l'Office international des migrations (OIM). Ce seuil symbolique avait déjà attiré l'attention, il y a deux ans. Cette année-là, des centaines de milliers de réfugiés avaient fui des conflits, ou la précarité économique en embarquant sur la mer ou en empruntant la route des Balkans, pour rejoindre l'Europe.

Depuis le début de l’année, l’Organisation Internationale pour les Migrants a recensé 2250 morts ou disparus, le plus souvent par noyade ou asphyxie sur des canots de fortune. Un chiffre très probablement sous-estimé, alors que les traversées se multiplient dans des conditions périlleuses. L’ONG Amnesty International, craint que « si aucune disposition n’est prise », l’année 2017 devienne « l’année la plus meurtrière pour la route migratoire la plus meurtrière du monde ».

Ce taux de mortalité s'explique en partie par les dégradations des conditions de départ depuis 2016. En premier lieu, les embarcations sont de plus en plus dangereuses: dans le cadre de la lutte contre les trafics, de nombreux bateaux abandonnés près des côtes ont été détruits. Insuffisant, toutefois, pour stopper les réseaux de passeurs, qui continuent de faire embarquer ceux qui veulent partir sur de véritables épaves ou des bateaux gonflables toujours plus surchargés.

Externalisation des contrôles

Pour agir en territoire souverain, l’UE a noué un partenariat avec les garde-côtes libyens. Ceux-ci ont reçu des équipements, pour empêcher les traversées. Des formations leur ont été dispensées sur « les droits de l’homme, les droits maritimes, le traitement égalitaire des hommes et des femmes, ainsi que les techniques d’opération de recherche et de sauvetage en mer ».

Fin janvier 2017, les États de l’Union européenne ont décidé de renforcer les contrôles migratoires en Méditerranée centrale. Objectif, enrayer les départs depuis les eaux libyennes, avant que les migrants n’arrivent dans les eaux internationales. Le partenariat noué entre l’Union européenne et les garde-côtes libyens pour maintenir les migrants sur les rives africaines pousse les plus déterminés à prendre encore davantage de risques pour atteindre l’Italie.

Aucune garantie des droits

Mais l’autre garantie, qui était de garantir des droits pour les migrants reconduits en Libye, se fait attendre. En nouant ce partenariat, de nouveaux moyens avaient été accordés à l’Organisation mondiale de l’immigration (OIM) et au Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) pour prévenir les arrivées en Libye à partir des pays voisins d’Afrique.

L’UE a promis de mettre au moins 200 millions d’euros sur la table, auxquels pourront s’ajouter des fonds issus de l’aide au développement. Des camps protégés sont donc censés apparaître dans les pays de départ, de transit, mais aussi en Libye.

Le maréchal libyen Khalifa Haftar, estime à « 20 milliards de dollars sur 20 ou 25 ans » l'effort européen nécessaire pour aider à bloquer les flux de migrants à la frontière sud du pays.  « Le problème des migrants ne se résout pas sur nos côtes. S’ils ne partent plus par la mer nous devons les garder nous et la chose n’est pas possible.» On est vraiment loin du compte !

Les migrants jetés en prison

En attendant, le droit libyen criminalise l’immigration irrégulière sans distinction. La Libye n’a ratifié ni la convention de Genève ni aucun traité international garantissant le bon traitement des étrangers sur son sol.

Il faut voir aussi que la situation en Libye est devenue invivable. Des centaines de milliers de migrants sont retenus dans des camps pour de longues périodes sans possibilité de s’opposer légalement à leur détention, battus et torturés.

Le chef du Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a dénoncé les conditions de vie « épouvantables » dans ces centres de rétention et a demandé la libération immédiate des demandeurs d’asile et des réfugiés. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, appelle les autorités libyennes à relâcher immédiatement les plus vulnérables, notamment les femmes en danger, les femmes enceintes, les familles avec enfants, les enfants seuls ou séparés de leurs proches et les handicapés.

Des migrants victimes

Un fait est sûr et certain : toutes ces personnes sont des victimes. Victimes d’avoir payé une somme faramineuse à des passeurs peu scrupuleux. Victimes d’avoir cru au sempiternel miroir aux alouettes que constitue l’Europe, ce soi-disant eldorado où la vie ne peut être que meilleure que dans le village perdu. Victimes de croire qu’ils vont être bien traités alors qu’on leur réserve un sort funeste.

Il est temps de s'attaquer à ces filières clandestines criminelles et au travail au noir dans les pays de cette rive Nord de la méditerranée qui favorisent un nouvel esclavagisme et réalisent un chiffre d'affaires de 40 milliards de dollars par an.

Quelles solutions pérennes ?

Empêcher l’immigration est impossible. Au Royaume-Uni, l’ancien premier ministre David Cameron, en France, l’ancien Président Nicolas Sarkozy, ont voulu le faire, mais naturellement ils étaient incapables. Les frontières sont poreuses, on ne peut pas éviter que des gens entrent. Les autorités en sont conscientes mais n’osent pas le dire. C’est un non-dit en Europe. Bien des politiciens parlent encore de sceller les frontières. Les discours nationalistes et populistes présentent les pays comme des maisons dont on pourrait fermer les portes et les fenêtres. Mais cette image est trompeuse: un pays est plutôt comme une ville, on peut difficilement bloquer toute entrée. A moins bien sûr de placer un soldat tous les dix mètres avec ordre de tirer à vue!

Les solutions proposées par la classe dirigeante européenne ne sont pas à la hauteur des enjeux, relevant en grande partie de la communication et d’enjeux électoraux.

L'avenir de ces gens est chez eux et nul part ailleurs. Il faut une « arme économique » pour juguler l’hémorragie des flux migratoires et stopper l’obsession des jeunes Africains d’émigrer à tout prix. Une arme à dégainer rapidement, sans modération et avec toutes sortes de munitions (annulation de la dette, suppression des subventions, augmentation de l’aide réelle au développement...) car la solution à ce problème passe par la lutte contre la pauvreté sur le continent africain.

L’Afrique doit pouvoir vivre de ses cultures et de ses ressources ; aussi est-il nécessaire de revoir les politiques de subventions des produits agricoles occidentaux, qui pénalisent les agriculteurs africains, de revoir la cotation des produits africains à partir des bourses européennes qui fixent leurs prix, et de promouvoir des mesures visant à l’abolition ou à l’abaissement de barrières douanières qui entravent les importations des produits africains en Europe.

Il faut renforcer les capacités gouvernementales des Africains à lutter contre la pauvreté. A cet égard, il a lieu d’encourager les forces de changement sur le continent, pour l’émergence de nouveaux dirigeants issus d’élections libres et transparentes, ayant à cœur de sortir leurs concitoyens de la misère et utilisant les ressources internes et externes pour endiguer cette pauvreté.

Il faut aussi arrêter de soutenir des dirigeants corrompus qui pillent les Etats africains pour alimenter leurs comptes en banque, ou les réseaux maffieux france-africains qui usent des élections frauduleuses et de la répression pour perdurer au pouvoir, n’offrant aucun espoir à la jeunesse sur ce continent.

Ce n’est qu’avec une telle arme économique, en soutien à des gouvernements démocratiques engagés résolument dans la lutte contre la pauvreté, que l’on pourra freiner ces drames de l’émigration qui défraient toutes les chroniques et alimentent l’actualité internationale.

Je finirai par rappeler que « nous sommes tous des immigrés, il n'y a que le lieu de naissance qui change ».

A.Klai

 

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