La Tunisie toujours corrompue!
« Si les empires, les grades, les places ne s'obtenaient pas par la corruption, si les honneurs purs n'étaient achetés qu'au prix du mérite, que de gens qui sont nus seraient couverts, que de gens qui commandent seraient commandés. » William Shakespeare
La corruption est un vice aussi vieux que la nature humaine. La corruption est l'utilisation abusive d'un pouvoir reçu par délégation à des fins privées comme l'enrichissement personnel ou d'un tiers (famille, ami...). Elle consiste, pour un agent public, un élu, un médecin, un arbitre sportif, un salarié d'entreprise privée..., à s'abstenir de faire, de faciliter quelque chose, du fait de sa fonction, en échange d'une promesse, d'un cadeau, d'une somme d'argent, d'avantages divers...
Selon une estimation de la Banque mondiale, 1 000 milliards de dollars seraient détournés en pots-de-vin par à l’échelle du monde. Ce montant représente environ 3 % des échanges de la planète. La corruption existe tant dans les pays riches que dans les pays pauvres, même s’il est démontré qu’elle frappe les populations pauvres de façon disproportionnée.
L'ONG Transparency International publie, mercredi 25 janvier 2017, son évaluation annuelle de la perception de la corruption dans le monde. L’année 2016 a montré que, dans le monde entier, la corruption systémique et l’inégalité sociale se renforcent mutuellement, conduisant à une désillusion populaire vis-à-vis du monde politique et fournissant un terreau fertile à la montée des politiciens populistes.
L'ONG a établi un classement avec des notes allant de 0 à 100. Concrètement, plus un pays a une note élevée, moins il est corrompu. «Une mauvaise note est le signe d'un recours systématique à des pots-de-vin, de l'absence de sanctions en cas de corruption et d'une inadéquation entre les prestations d'une faible administration et les besoins de la population», indique l'ONG dans un communiqué.
Les résultats :
Sans surprise, les pays nordiques occupent le haut du classement. Selon l'ONG, le pays perçu comme le moins corrompu est le Danemark avec une note de 90 sur 100 et ce, pour la troisième année consécutive, ex-aequo avec la Nouvelle Zélande. La Finlande, avec un indice de 89, complète le trio de tête. La France se classe au 23eme rang, comme en 2015. Néanmoins, si l'Hexagone ne recule pas au classement, sa note baisse, avec un score de 69/100, contre 70 en 2015.
Quid de la Tunisie ?
La Tunisie reste un mauvais élève malgré les promesses du nouveau gouvernement qui claironne à la longueur de la journée qu’il allait s’attaquer à la corruption à tous les niveaux. L’indice de perception de ce fléau (IPC) de l’ONG Transparency International lui attribue la note de 41 et se classe 75 sur 176. En 2015 nous avons obtenu la note de 38 et la place 76. Le niveau de corruption reste stable et ne baisse pas.
Six ans après, la corruption continue ainsi de faire rage et semble même s’être généralisée, comme si l’instabilité sociopolitique de la transition démocratique l’avait nourrie. Six ans après la révolution, un nouveau phénomène la petite corruption est en train de se propager de façon exponentielle au point de devenir une mentalité socioculturelle qu’il est impossible d’éradiquer. La police, les tribunaux, et les services publics relatifs à l’obtention d’un document pratiquent la corruption. Le billet glissé à un employé des hôpitaux pour accélérer une admission ou à un policier pour éviter une contravention, comme le paquet de cigarettes tendu à un douanier, relèvent de la petite corruption quotidienne.
« La Tunisie a déclaré la guerre au terrorisme. Elle devrait en faire autant avec la corruption. L’un et l’autre sont liés au commerce informel – plus de 50 % de notre PIB – et obèrent l’économie du pays. Nous risquons à ce rythme de dériver vers un État mafieux », prévenait déjà Chawki Tabib. Allons que des paroles dans l’air vu le résultat obtenu. On peut souligner l’inefficacité des organisations gouvernementales en charge de la prévention et de la lutte contre la corruption qui sont toutes frappées d’inertie et inefficaces.
Les autres pays de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient
L’Algérie voisine obtient le score le plus médiocre des six dernières années en la classant à la 108e place sur 176 pays. Selon le document, l’Algérie recule de 20 places par rapport à son classement de 2015 (88e)et partage la même place avec l’Egypte.
Le Maroc obtient la note de 37 et se classe 90 sur 176. Le Maroc recule de 2 places par rapport à 2015.
Dans la zone Moyen-Orient, ce sont les Emirats arabes unis (24 e), le Qatar (31 e), la Jordanie (57 e), l’Arabie Saoudite (62e), Oman (64 e), Bahreïn (70 e) qui devancent largement la Tunisie. La plus lourde chute dans le classement est celle du Qatar, qui perd 10 points et se retrouve à la 31e place. Cette lourde chute est principalement due aux accusations de corruption autour de l'attribution de l’organisation de la Coupe du monde de football 2022 ainsi que rapports de violations des droits humains pour les travailleurs migrants.
Ce qu’il faut faire en Tunisie ?
Des institutions et des lois suffiront-elles à endiguer le fléau ? La transparence est l’affaire de tous, à commencer par celle des partis qui ne publient pas leurs comptes et des dirigeants qui ne font pas leurs déclarations de patrimoine à la Cour des comptes malgré l’obligation légale.
Un ministère de la Gouvernance n’y changera rien et que de simples outils ne suffiront pas pour venir à bout d’une culture du bakchich et d’un système clientéliste solidement ancrés dans les mentalités. On pense souvent que la corruption « fait partie des mœurs ». Or, chaque société, chaque secteur et chaque individu aurait tout à gagner en disant « non » à ce crime.
Comment Restaurer le prestige de l’État le cheval de bataille qui a fait le succès de la campagne électorale de Beji Caïd Essebsi alors que Abid Briki son ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance déclarait « il est difficile de combattre les barons de la corruption puisqu'ils disposaient de larges réseaux de sous-traitants qui exécutent leurs besognes. » L’État semble pour le moment bien incapable de s’imposer face à la corruption rampante.
Les citoyens en ont assez des promesses vaines proférées par trop de politiciens qui jurent de s’attaquer à la corruption, et beaucoup se tournent vers des politiciens populistes qui promettent de changer le système et de briser le cycle de la corruption et des privilèges.
José Ugaz Président de Transparency International déclarait « Ce n’est que lorsque la liberté d’expression, la transparence dans tous les processus politiques et de solides institutions démocratiques existent que la société civile et les médias peuvent exiger des personnes au pouvoir qu’elles rendent des comptes et que la corruption peut être combattue avec succès. »
Les promesses ne durent qu’un temps et ne sont vraiment crédibles que par ceux qui les écoutent : les électeurs. Alors laissons passer la comédie électorale, car de toute façon, comme le disait André Maurois « Il est injuste et absurde de rendre les êtres comptables de leurs promesses ».
La Tunisie est mal classée et se trouve toujours loin de cette transparence démocratique pour combattre efficacement ce fléau mortel !
A.Klai
* Données du rapport 2017 de l’ONG Transparency International
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