Les 25 % Trumpiste en quatre Q/R !

Par Mahjoub Lotfi Belhedi 

Chercheur en réflexion stratégique & digitale // CEO d'un cabinet spécialisé en transformation IA

La décision trumpiste d'infliger à ses proches alliés un tarif douanier exorbitant de l'ordre de 25 % représente-t-elle un simple revirement dans la politique commerciale américaine ou  un véritable renversement profond du système économique international que les États-Unis ont dirigé après la Seconde Guerre mondiale ?

Scrutons cela de tout près !

1. Quels sont les piliers du système économique international post-1945 ?

Ce système s’articule, depuis des décennies, autour de trois grands piliers :

Le multilatéralisme : La coopération internationale s’est concrétisée par des institutions comme le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), facilitant les échanges entre nations.

La libéralisation des échanges : Par le démantèlement des barrières douanières à travers des accords tels que le GATT, ce système a encouragé la libre circulation des biens et services.

Le leadership américain : Les États-Unis ont joué un rôle de garant de la stabilité de ce système, soutenant activement l’ordre international basé sur le libre-échange et la coopération.

Ces trois principes ont formé l'épine dorsale de l'économie mondiale moderne, régie par des règles communes et une vision partagée de prospérité.

2. En quoi la décision de Trump défie-elle ce système ?

Cette décision met en lumière un changement radical par rapport aux principes établis, entre autres :

Le passage du multilatéralisme à l’unilatéralisme : En recourant à l’utilisation abusive de la notion de sécurité nationale, stipulée dans l’article 232 de la loi américaine sur le commerce, pour imposer des tarifs douaniers à ses alliés, Trump a fragilisé l’autorité des règles internationales. Cette démarche a mis de côté la coopération multilatérale au profit de décisions unilatérales, altérant ainsi l’équilibre du système global.

L’ignorance des mécanismes de résolution des conflits de l’OMC : En s’attaquant à des pays membres de l’OMC, comme la Chine ou l’Union européenne, tout en méprisant les mécanismes de règlement des différends de l’organisation, Trump a menacé la crédibilité de l’OMC en tant qu’instance de régulation des relations commerciales internationales.

Le retour au protectionnisme : Les tarifs douaniers imposés marquent un virage décisif vers le protectionnisme, un recul majeur par rapport à l’idéal de libre-échange que les États-Unis ont longtemps soutenu sur la scène internationale.

L’érosion de la confiance entre alliés : En taxant des pays comme l’Allemagne ou le Canada, membres de l’OTAN et partenaires commerciaux traditionnels, les décisions de Trump ont creusé des divisions au sein même des alliances stratégiques sur lesquelles reposait l’ordre international d’après-guerre.

3. Quelles sont les implications de ce changement pour le système international ?

Certes, cette décision entraîne une série de conséquences majeures pour l'ordre économique mondial, notamment : 

Une fragmentation de l’ordre économique mondial : L’adoption de politiques protectionnistes par les États-Unis incite directement les pays ciblés à prendre des mesures similaires, conduisant à une mondialisation fragmentée. Plutôt que de maintenir un commerce global ouvert, on assiste à un retour à des blocs commerciaux régionaux, où chaque groupe d’États cherche à se protéger contre les autres.

L’ascension de la Chine comme rivale : En se retirant de son rôle de leader mondial, les États-Unis laissent un vide que la Chine cherche à combler. Grâce à des initiatives comme les « Nouvelles Routes de la Soie » et la Banque asiatique d’investissement (AIIB), Pékin renforce son influence économique et géopolitique, modifiant ainsi l'équilibre des pouvoirs économiques internationaux.

Le déclin des institutions internationales : L’ignorance persistante des États-Unis envers des institutions telles que l'OMC pourrait fragiliser leur rôle. Si l’OMC perd son pouvoir d’arbitrage, on pourrait voir l’émergence de nouvelles formes de régulation, dominées par les puissances économiques les plus fortes, ce qui remettrait en question le principe de « droit international » au profit de la « loi du plus fort économique ».

4. S’agit-il d’un simple revirement ou d’un renversement de l'ordre économique mondial ?

Au-delà d’un simple revirement dans la politique commerciale, cette décision pourrait être interprétée comme un signal fort d’un changement plus profond dans l’ordre économique mondial. 

En effet, la décision d'imposer des tarifs douaniers de 25 % à des alliés traditionnels, tels que l'Union européenne, le Canada et le Mexique, dépasse le cadre d’un simple ajustement ponctuel. Elle s'inscrit dans une logique de « América First », où les États-Unis privilégient leurs intérêts économiques au détriment de relations commerciales établies de longue date avec leurs partenaires. Ce virage protectionniste remet en cause le système de commerce international fondé sur des accords multilatéraux, tels que le GATT, et plus récemment l’OMC.

Par ailleurs, ce changement pourrait marquer un tournant dans les relations commerciales internationales. Les pays concernés pourraient être amenés à réévaluer leur dépendance vis-à-vis des États-Unis, cherchant soit à diversifier leurs partenariats économiques, soit à renforcer des accords bilatéraux pour contourner l'impact des nouvelles politiques protectionnistes.

Ainsi, cette décision majeure n’est pas un simple ajustement de posture commerciale, mais un signal d’un renversement possible de l'ordre économique mondial. Si cette tendance se poursuit, Donald Trump pourrait être perçu comme l’un des plus grands perturbateurs de l’ordre économique international, redéfinissant les bases mêmes du commerce mondial.

Bref, qu’on le veuille ou non, le Trumpisme n'est qu'une émanation politico-politicienne d'un monde complexe et incertain ...