ONU : Les dirigeants libyens doivent faire passer les intérêts nationaux avant les leurs
Les efforts visant à favoriser le dialogue et à répondre aux préoccupations des responsables politiques libyens se heurtent à « une résistance obstinée, des attentes déraisonnables et une indifférence » de leur part, contraires à l’intérêt national, a affirmé hier l’envoyé de l’ONU dans ce pays d’Afrique du Nord.
Le Représentant spécial Abdoulaye Bathily a déclaré au Conseil de sécurité que depuis fin 2022, les efforts menés par l’ONU pour résoudre la crise politique en Libye se sont heurtés à des reculs nationaux et régionaux, « révélant un refus intentionnel de s’impliquer sérieusement et une ténacité à retarder perpétuellement les élections ».
« Avec un profond sentiment de déception, il est décourageant de voir des individus en position de pouvoir placer leurs intérêts personnels avant les besoins de leur pays », a-t-il déclaré.
Il a souligné la nécessité pour les dirigeants libyens de donner la priorité aux intérêts nationaux plutôt qu'aux intérêts personnels, les exhortant à parvenir à un règlement politique par le biais de négociations et de compromis.
« Nous ne pouvons pas permettre que les aspirations des 2,8 millions d’électeurs libyens inscrits soient éclipsées par les intérêts étroits de quelques-uns », a-t-il ajouté.
Des positions bien arrêtées persistent
M. Bathily a dit aux membres du Conseil que les cinq principales parties prenantes libyennes – Mohamed Takala, Président du Haut Conseil d'État ; Abdul Hamid Dbeibeh, Premier ministre du Gouvernement d'unité nationale ; Agila Saleh, Présidente de la Chambre des représentants ; le Général Khalifa Haftar, commandant de l'ANL (Armée nationale libyenne); et Mohamed al-Menfi, Président du Conseil présidentiel – n'ont pas bougé de leurs conditions préalables pour assister aux pourparlers.
« Malgré un engagement continu et étendu avec les principaux acteurs institutionnels, leurs positions persistantes entravent considérablement les efforts visant à faire avancer le processus politique », a fait remarquer M. Bathily.
Il a également noté que les complexités étaient exacerbées par un « accord apparent » entre M. al-Menfi, M. Saleh et M. Takala, selon une déclaration commune à l'issue d'une réunion trilatérale en mars au Caire, à laquelle l'ONU n'était pas associée.
« Mes discussions ultérieures avec les dirigeants qui ont participé à la réunion du Caire ont révélé des interprétations divergentes et un manque de détails sur ses résultats. Il y a également un manque d’adhésion parmi les dirigeants libyens qui n’ont pas participé à la réunion », a-t-il déclaré.
L’économie est « mise à rude épreuve »
Sur le plan économique, M. Bathily, qui dirige également la Mission de soutien des Nations Unies en Libye (MANUL), a souligné la détérioration de la situation économique et les avertissements de la Banque centrale concernant une crise de liquidité imminente.
Il a informé les membres du Conseil d'une surtaxe temporaire sur les taux de change officiels, combinée à la baisse de la valeur du dinar libyen et à un accès restreint aux devises étrangères, ce qui a alimenté la colère du public dans un contexte d'inquiétudes croissantes concernant la hausse des prix des biens et services essentiels.
« Il est impératif que les autorités libyennes s'attaquent non seulement aux symptômes mais aussi aux causes profondes des pratiques économiques et financières néfastes persistantes », a déclaré l'envoyé de l'ONU, appelant les autorités à adopter rapidement un budget national et à mieux gérer les ressources de l'État.
Situation sécuritaire tendue
M. Bathily a également souligné une situation sécuritaire tendue dans plusieurs régions du pays, notamment dans les grandes villes comme Tripoli et Misrata.
« La présence d'acteurs armés et d'armes lourdes dans la capitale libyenne est très préoccupante car elle constitue une menace importante pour la sécurité de la population civile », a-t-il averti, soulignant que toute escalade des tensions en Libye exacerberait l'instabilité non seulement au Tchad, au Niger et au Soudan, mais aussi dans toute la région du Sahel.
Il s'est également dit préoccupé par le sort des migrants ainsi que par la forte augmentation des enlèvements, des disparitions et des arrestations arbitraires dans un contexte d'impunité bien ancrée qui porte atteinte aux libertés fondamentales.
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