Pourquoi l’Espagne est le fer de lance du soutien à la Palestine en Europe ?

Pourquoi l’Espagne est le fer de lance du soutien à la Palestine en Europe ?

Manifestations, boycott, enquête judiciaire… Que ce soit politiquement ou à travers la société civile, le pays s’est montré particulièrement actif autour de la défense de la Palestine ces dernières semaines. Une implication ancienne et qui fait l’objet d’un large consensus au sein de la population. Ceci dans une tradition d'amitié avec les pays arabes. Selon un sondage de l'institut royal Elcano, 82% des Espagnols interrogés estiment qu'Israël commet un génocide contre le peuple palestinien à Gaza.

L'Espagne compte 1 800 000 Arabes. Il s'agit des vestiges de l'État andalou et d'expatriés venus de divers pays arabes. Ils représentent 3,36 % de la population espagnole, qui s'élève à 49,3 millions.

L'Espagne mérite véritablement son appellation d'« Espagne Arabe », non seulement en raison de la présence de ce grand nombre d'Arabes et de son histoire islamique, mais aussi pour les positions honorables qu'elle a adoptées sur la question palestinienne, notamment à Gaza.

Bien qu'elle ait soutenu les puissances de l'Axe, l'Espagne franquiste a officiellement été neutre pendant la Seconde Guerre mondiale et n'a pas participé à la Shoah. Il n'y a donc pas de sentiment de culpabilité au sein de la population espagnole, comme cela peut être le cas en Allemagne, où la sécurité d'Israël est une raison d'État (Staatsräson).

Elle a été le premier pays européen à reconnaître l'État de Palestine le 22 mai 2024 et à accorder le titre d'ambassadeur au chef de la mission palestinienne. Elle a également été le premier pays européen à accueillir Yasser Arafat comme président lors de sa visite en Espagne, et a organisé la conférence de paix en 1991 à Madrid.

Depuis le génocide israélien contre les Palestiniens ces deux dernières années, l'Espagne s'est officiellement et populairement solidarisée avec la cause palestinienne, comme si elle était sa principale cause.

Des manifestations ont balayé les villes espagnoles pour dénoncer Israël et ses crimes contre le peuple palestinien. Les protestations contre Israël se sont propagées dans toutes les capitales européennes et même aux États-Unis, où elles étaient auparavant interdites et punies par la loi. L'Espagne a brisé les chaînes de l'antisémitisme en Europe et en Amérique grâce à la multiplication des manifestations et des protestations dénonçant les crimes israéliens.

Pour autant, le soutien à la cause palestinienne ne s'accompagne pas d'une hausse de l'antisémitisme, comme le montre le sondage d'Elcano. Ce mouvement, aussi bien au niveau populaire qu'au niveau gouvernemental, a su faire la différence entre la question juive et la question israélienne. En Espagne, l'accusation d'antisémitisme aux critiques à l'État d'Israël ne fonctionne pas.

Des mesures pour « mettre un terme au génocide » dans la bande de Gaza

P L’Espagne a ouvert la voie à la reconnaissance de l'État palestinien par les pays européens, qui culminera le 22 de ce mois à l'Assemblée générale des Nations Unies. La France, la Belgique et, bientôt, le Royaume-Uni rejoignent désormais l’Espagne. Au total, près de 150 pays sur 193 membres des Nations unies reconnaissent aujourd'hui l'État palestinien. La reconnaissance de l'État palestinien par deux puissances européennes majeures, membres du Conseil de sécurité de l'ONU, devrait ainsi placer la solution à deux États au cœur du débat international.

L’Espagne est devenue un véritable modèle pour les pays européens touchés par ses positions sur la cause palestinienne et les violations du droit international humanitaire perpétrées à Gaza.

P Gaza s’invite au Tour d’Espagne : Le dimanche 14 septembre 2025, Madrid a connu un moment inédit. La 21e et dernière étape du Tour d’Espagne n’a pas eu lieu comme prévu. Des milliers de manifestants pro-palestiniens ont envahi le parcours, contraignant les organisateurs à interrompre la compétition. Leur cible : la présence de l’équipe Israël-Premier Tech, perçue comme un outil de normalisation des violences à Gaza.

Sur la Gran Vía, artère emblématique de la capitale, les barrières ont été renversées et les drapeaux palestiniens déployés. Les slogans « Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide ! » ou encore « Boycott Israël ! » ont rythmé la manifestation. La foule, composée de familles, de jeunes et de personnes âgées, a défilé dans une ambiance pacifique mais déterminée, bloquant l’arrivée des coureurs.

P Alors que l'Espagne menaçait de se retirer de la Coupe du monde 2026 si Israël y participait, le président de la Fédération espagnole de football (Rafael Louzán) a souligné que la majorité de la société espagnole ne pouvait accepter les images d'enfants affamés et les destructions causées par les attaques israéliennes, exigeant que la FIFA adopte une position claire et suspende la participation d'Israël jusqu'à la fin de la guerre.

P L’Espagne a également imposé une interdiction permanente d'exportation d'armes, de munitions et d'équipements militaires vers Israël et a suspendu un contrat d'armement de 700 millions d'euros qui était sur le point d'atteindre Israël.  Elle a également interdit à tous les avions transportant du matériel militaire pour Israël d'utiliser l'espace aérien espagnol, empêché les navires israéliens d'accoster dans les ports espagnols.

P Elle a imposé une interdiction aux produits israéliens d'accéder aux marchés espagnols et empêché l'entrée en Espagne de responsables israéliens impliqués dans le génocide de Gaza.

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a annoncé le rappel de l'ambassadrice espagnole Ana Maria Salomon Perez en Palestine occupée pour consultations, à la suite de l'escalade des tensions entre Madrid et le régime de Tel-Aviv.

Soutien humanitaire pour les palestiniens

L'Espagne a augmenté son aide humanitaire à Gaza pour atteindre 150 millions d'euros cette année.

Elle a participé avec dix navires à la Flottille Soumoud en direction de Gaza, chargés d'aide humanitaire pour les enfants de Gaza. Avec la participation de 700 militants de 40 pays, risquant leur vie, ignorant ce qui leur arriverait en route vers Gaza, une chose les unit et les motive : soutenir le peuple palestinien.

La question palestinienne confère à l’Espagne un prestige considérable, spécialement dans la Méditerranée et dans le Sud.

L’Espagne fait mieux que certains pays arabes !

La question est de savoir si l'Espagne deviendra un modèle pour certains pays arabes dont le ciel est toujours envahi par l'aviation israélienne, dont les ports et aéroports permettent encore l'accès à Israël, dont les relations avec Israël sont encore bonnes sous prétexte d'accords commerciaux et autres, dont les négociations avec l'ennemi se poursuivent, se tenant face à face avec lui dans des salles secrètes et publiques, et participant avec lui à des événements sportifs et artistiques.

Avec tant d’actes de soutien au peuple palestinien, l'Espagne servira-t-elle de modèle à certains pays arabes qui continuent de traiter avec Israël comme si rien ne se passe à Gaza et aux palestiniens.

A.K

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