Sakiet Sidi Youssef : Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir
Le 8 février 1958, l’aviation française bombarde le village tunisien de Sakiet Sidi Youssef, à la frontière avec l’Algérie. Cette affaire, qui s’inscrivait dans une suite d’incidents locaux, a été vue comme une escalade militaire, une crise diplomatique avec la Tunisie, causant une pression anglo-américaine, la chute du gouvernement français, des émeutes à Tunis et à Alger, une crise de régime en France et le retour au pouvoir du général de Gaulle.
Ce samedi, 10 h 30 du matin, Sakiet Sidi Youssef, une paisible petite bourgade située à la frontière algéro-tunisienne (à 30 Kms du Kef) grouillait de monde, en ce jour de marché hebdomadaire au cours duquel sont distribuées les aides aux réfugiés algériens par le Croissant Rouge Algérien et la Croix Rouge internationale et chacun vaquait à ses occupations.
En l’espace de quelques minutes, tout bascula dans l’horreur, un vacarme assourdissant, des explosions et des morts. La zone a été mitraillée par une escadrille de chasseurs français volant en rase-mottes. Par la suite, trois vagues des bombardiers. L'opération implique 25 avions : onze bombardiers A-26, six chasseurs-bombardiers Corsair et huit chasseurs Mistra.
Le bilan varie entre 72 et 75 morts et 148 blessés
Des corps complètement calcinés, d’autres déchiquetés par les tirs de mitrailleuses. Parmi les bâtiments publics détruits, figurent un poste de la Garde nationale, un poste de la douane, une école primaire, des commerces et des maisons. Le bilan varie entre 72 et 75 morts et 148 blessés, dont une douzaine d'élèves d'une école primaire et des réfugiés algériens regroupés par une mission de la Croix-Rouge ainsi que deux camions détruits de la Croix-Rouge.
A Sakiet Sidi Youssef ce 8 février 1958, les victimes étaient tunisiennes et algériennes. Quoi de plus normal quand on sait que la ville algérienne de Souk Ahras est toute proche. Quand on sait aussi que la Tunisie abritait nombre de réfugiés algériens qui ont fui la sauvagerie des militaires français durant la guerre d’Algérie. Quand on sait que c’est en Tunisie que siégeait le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA). Le tout avec grand courage et sacrifices consentis par les Tunisiens.
Un événement fortement médiatisé et une condamnation internationale unanime
En réaction, le Président Habib Bourguiba rappelle son ambassadeur à Paris, expulse cinq consuls français qui exercent dans les principales villes du pays, organise le blocus des casernes françaises encore présentes dans le pays et met sur pied une visite organisée du village pour la presse internationale. Le conflit purement français devient ainsi international puisque la Tunisie porte plainte auprès de l'ONU. Le Conseil de sécurité décide alors une mission de bons offices anglo-américaine. Cet événement apporte des arguments, sur le plan international, à ceux qui jugent que la France doit quitter entièrement l'Afrique du Nord Algérie comprise.
L'événement est fortement médiatisé et suscite une condamnation internationale. Il inaugure une période de vives tensions entre la Tunisie et la France. La Tunisie saisit alors le Conseil de sécurité de l'ONU.
A Paris, les opposants à la guerre d’Algérie à l’Assemblée Nationale censurent et renversent le 15 avril le cabinet Gaillard. Ces événements ont contribué à hâter la fin de la IVe République et au retour au pouvoir du général de Gaulle qui impose, le 17 juin, un accord entre la Tunisie et la France stipulant l'évacuation de toutes les troupes françaises du territoire tunisien à l'exception de Bizerte.
Une commémoration ciment des liens entre les deux peuples
Depuis, chaque 8 février, la Tunisie et l'Algérie commémorent conjointement cet événement historique important qui a cimenté une excellente relation de confiance et de solidarité entre les deux peuples voisins et leurs gouvernements successifs. Aujourd’hui le peuple tunisien est reconnaissant envers la solidarité de l’Algérie et du peuple algérien en ce moment historique que traverse la Tunisie depuis 2011.
Cette année pour commémorer le 59ème anniversaire, des événements la culture et les arts se sont invités. « Points communs dans la culture populaire tuniso-algérienne » est le thème d’une conférence qui se déroule du 1er au 17 février. Le programme prévoit notamment l’organisation d’une exposition documentaire sur les événements de Sakiet Sidi Youssef et une exposition d’artisanat. Le théâtre sera au menu avec plusieurs représentations théâtrales tunisiennes et algériennes ainsi que des concerts de musique la musique diverse et variée qui va de l’opéra au Rai en passant par la chanson populaire. “La culture, c'est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre.” écrivait Milan Kundera.
Au-delà des cérémonies culturelles et des discours politiques, espérons que cette année sera celle du lancement de vrais projets économiques conjoints afin d’apporter richesse, emplois et progrès social aux habitants de cette zone frontalière complétement délaissée et déshéritée depuis longtemps par les gouvernements successifs tunisiens.
Les commémorations des événements historiques nous enseignent que la mémoire d'un peuple ne s'efface pas, elle demeure à jamais avec lui pour aller de l’avant.
Le Maréchal Foch disait « Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. " Ayons toujours en mémoire ce glorieux passé pour construire un bel avenir entre nos deux pays amis et frères.
Lien vidéo récit sur les bombardements:
https://www.youtube.com/watch?v=bflxCDHfThc&feature=youtu.be
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