Taïeb Baccouche: «Il n’y a pas de clans au sein de Nida Tounes »
A l’approche des élections législatives, les rumeurs ne cessent de s'amplifier sur les dissensions au sein du mouvement Nida Tounes. Certaines gens parlent même d’une guerre des clans entre les militants de gauche et les ex-Destouriens.
Pour y voir plus clair, Espace manager a rencontré Taïeb Baccouche, secrétaire général de Nida Tounes, qui a commenté, dans le cadre de cette interview, plusieurs sujets d’actualités.
Tout d’abord, comment jugez-vous le paysage politique actuel ?
Le paysage politique actuel se caractérise par une grande complexité et une certaine anarchie qu’illustre le très grand nombre de listes qui se présentent aux élections législatives (environ 1500), ainsi que le très grand nombre de candidats à l’élection présidentielle (plusieurs dizaines).
Cette situation risque de reproduire le paysage politique issu des élections du 23 octobre 2011. Ce qui est paradoxal c'est que le rééquilibrage relatif du paysage politique réalisé progressivement ces deux dernières années n’a pas eu l'effet escompté sur les comportements de la classe politique face aux échéances électorales.
Le mouvement Nida Tounes n’est pas à l’abri des divisions. Comment comprendre le vent de tumulte qui a secoué, ces derniers temps, le parti ?
Le vent de tumulte dont vous parlez semble secouer tous les partis sans exception. C’est un phénomène conjoncturel lié aux échéances électorales. S'il n'y a pas un retour à la normale immédiatement après, il devient grave, traduisant ainsi l'existence de problèmes structurels plus profonds.
Vous-même, vous étiez la cible de plusieurs rumeurs qui, selon votre déclaration aux médias, proviennent de l’intérieur du parti ? Que visez-vous au juste ?
Je vise ceux qui trahissent des débats internes en diffusant, par le truchement de certains plumitifs connus qui sévissent dans certains médias, de fausses informations relatives par exemple au vote fictif me concernant à Sousse, ce qui n'a jamais existé, ou relatives à ma démission qui n'a pas dépassé en fait le stade de la menace verbale.
Ce sont ceux-là mêmes qui reproduisent les discours fallacieux de certains intégristes qui me présentent comme le chef de file d'un courant de gauche éradicateur opposé, selon eux, à un courant destourien modéré au sein de Nida Tounes, ce qui ne correspond à aucune réalité tangible.
Justement, dans une lecture sur les listes de l’UPT, on remarque la présence de certaines figures présentées comme indépendantes alors qu'elles font partie de Nida, dont Tasnim Gazbar, Rym Ben Yaich… Ces candidats sont connus comme des proches de Taïeb Baccouche au sein de Nida Tounes.
Certaines gens disent que ce clan de Gauche au sein de Nida ne veut plus cohabiter avec les Destouriens ?
Le problème ne se pose pas en ces termes. Les noms que vous venez de citer n’ont pas le même statut. Certains noms qui ont circulé ne figurent pas en fait sur les listes de l’UPT. D'autres qui y figurent sont démissionnaires de Nida, depuis un certain temps. Cela n'a donc rien à voir avec de prétendus clans au sein de Nida Tounes .
Votre décision de quitter l’UPT et faire cavalier seul, lors des prochaines élections présidentielle et législatives, a été perçue comme un acte de trahison, du moins par les modernistes. Nida est accusé de briser le front démocratique ? Qu'en pensez-vous ?
Il est vrai que cette question a fait l'objet de divergences au sein du parti. La décision de la majorité du Conseil national de Nida Tounes, le 15 juin 2014, de se présenter aux législatives sous l’étiquette partisane et non celle du l'UPT, a été précédée par le retrait d’Al Joumhouri et suivie par une décision similaire du parti socialiste.
Il faut noter cependant que cette décision du Conseil national a été tempérée d'une part par la possibilité d'ouverture des listes Nida à nos alliés et d'autre part par notre attachement à l'UPT en tant que choix stratégique. La plateforme politique adoptée par les quatre partis formant l'UPT leur laisse la liberté de se présenter aux élections sous l’étiquette des partis ou de l'UPT.
Récemment, la désignation de Hafedh Caied Essebsi en tête de liste de Tunis 1 a créé beaucoup de polémiques au sein du parti. L’homme a été la cible d’une violente vague de dénigrement. Peut-on dire que Hafedh Caied Essebsi a été désigné et écarté à cause de son nom ?
Il ne faut pas focaliser sur un seul cas. Ce que vous venez de dire s'applique à des dizaines de cas dans la quasi-totalité des listes. Des rééquilibrages successifs plus ou moins heureux ont touché toutes les listes électorales.
Taieb Baccouche a refusé d’être tête de liste de Nida à Sousse ? Quelles sont les causes de ce refus ?
J'ai toujours placé mon engagement politique à l’échelle nationale. Je ne pouvais donc me limiter à l’échelle d'une région fût-elle ma région natale ou celle de mon habitat ou de mon travail.
Sur les 27 têtes de liste de Nida lors des prochaines législatives ne figure qu'une seule femme (avant la démission de Hafedh Caied Essebsi). Comment comprendre ce choix ?
On ne peut pas parler de choix car un choix est par définition délibéré. Le peu de femmes têtes de liste est en fait la conséquence regrettable d'un fâcheux concours de circonstances qu'il n'est pas opportun d'analyser ici.
En tant que militant des droits de l’homme sous l’ère Ben Ali, quel sentiment vous anime de voir des anciennes figures du RCD dans votre parti ?
Il ne faut pas se tromper de cible. Ceux qui ne sont pas les bienvenus sont ceux qui trainent des casseroles ou qui cultivent l'illusion de faire de Nida Tounes un nouvel RCD avec ses tares et ses plus mauvais représentants qui rendent un très mauvais service à Nida. Les autres doivent jouir pleinement de leurs droits civiques et politiques en tant que citoyens libres et respectables.
Propos recueillis par Cheker Berhima