Tunisie : des voix s’élèvent contre un Conseil National pour la Protection de la Révolution

L’idée d’un conseil de protection de la révolution ou du moins ses prérogatives ne font pas l’unanimité en Tunisie.

A ce sujet, M. Hichem Skik, Directeur de la Rédaction d’Attariq Aljadid, a écrit un billet intitulé « Ce que ne dit pas le texte de la pétition de soutien au conseil national de protection de la révolution » pour s’opposer à la signature d'une pétition de soutien à un conseil qui risuqe, selon les dires de l'auteur, d'obtenir « des pouvoirs absolus qu'aucun dictateur n'a jamais détenus ». Ci-après l’intégralité de son papier :

« Ce que ne dit pas le texte de la pétition, c'est que les promoteurs de ce Conseil -réunis dans ce qui s'appelle le Front du 14 janvier(d'Ennahda au POCT, en passant par plusieurs partis et groupes nationalistes, baathistes..., en plus de L'UGTT et du Conseil de l'Ordre des avocats (qui ont une attitude et des ambitions politiques pour le moins ambiguës)- demandent, à ce que ce conseil ait des prérogatives à la fois exécutives (superviser l'action du gouvernement, les 3 commissions chargées de préparer les instruments juridiques du futur Etat démocratique et d'enquêter sur le comportement de la police et sur la corruption, accepter ou refuser la nomination des hauts fonctionnaires...) , législatives (révision et promulgation des lois...) et même constitutionnelles (révision de la constitution) ! Bref, des pouvoirs absolus qu'aucun dictateur n'a jamais détenus !

Et pour couronner le tout, deux cerises sur le gâteau :

1- Le conseil se donne le droit de superviser même l’information et…la justice !
2- Alors qu’ils considèrent que le gouvernement est illégitime, car nommé par M. Foued Mebazaa, lui-même illégitime car issu du parlement illégitime de Ben Ali, ce conseil n’éprouve aucune gêne à demander que ce conseil soit créé par un décret-loi du Président de la république  par intérim !!

Pour cette raison, Ettajdid, le PDP, les Femmes Démocrates, le Syndicat des journalistes etc. qui ont participé aux discussions préliminaires, ont refusé cette démarche et demandent à ce que ce conseil- qui doit comprendre toutes les sensibilités- ait un rôle politique et moral de vigilance à l'égard du processus en cours, émettant des avis, attirant l'attention, critiquant...bref : se faisant le porte-parole de l'opinion publique au sujet de l’action du gouvernement , des commissions, des médias etc.

Il faut ajouter qu’à l’heure où notre pays est encore dans la phase la plus critique de sa révolution et au moment où il a un besoin vital de s’unifier pour faire face aux multiples dangers qui le guettent, cette initiative a créé une division grave entre les organisations qui le soutiennent et organisent des manifestations pour le faire aboutir, et ceux qui trouvent que ce pouvoir autoproclamé risque de faire double emploi avec les institutions qu’on s’est données ( et qu’on doit beaucoup améliorer !) .

Le plus inquiétant est que cette initiative est en train de créer des divisions au sein même des organisations de la société civile (UGTT, Ligue des droits de l’homme, Association des magistrats) à propos des décisions de ce conseil, ce qui ne peut qu’affaiblir la société civile et, par là même des structures de la révolution(voir, par exemple le document joint sur l’Association des magistrats). »

 

Par Hichem SKIK

 

« Le Conseil National pour la Protection de la Révolution », repose sur les six principes suivants:


1.    Le Conseil National pour la Protection de la Révolution doit avoir un pouvoir décisionnel et veiller à l’élaboration des législations relatives à la période transitoire et à leur adoption (abrogation des lois contraires aux libertés) ;
2.    contrôler les travaux du gouvernement provisoire qui assure la gestion des affaires courantes qui devra soumettre la nomination des hauts fonctionnaires au Conseil pour approbation ;

3.    revoir la composition et les prérogatives des commissions constituées, afin qu’elles fassent l’objet d’un consensus, et faire en sorte que les projets qu’elles avancent soient automatiquement soumis au Conseil pour approbation ;
4.    prendre les dispositions qu’impose la situation transitoire, en particulier dans le domaine de la justice et l’information;

5.    Ce conseil se compose des représentants des différents partis politiques, des associations et des organisations précitées et de représentants des différentes régions, selon le principe du consensus;
6.    Ce Conseil devra être mis en place en vertu d’un décret-loi émis par le Président de la République par intérim.