Tunisie : «La délinquance financière», ou les différentes facettes de la Fraude Fiscale !
« La Lutte contre la Fraude Fiscale », ce n’est pas en fait tous les jours que l’on évoque un tel sujet dans nos murs, mais voilà que le Centre
d’Etudes Fiscales de la Faculté des Droits de Sfax, en collaboration avec l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, notamment sa section de Sfax, ouvrent la parenthèse. Il s’agit de leur cinquième colloque.
L’événement compte s’étaler sur trois jours ; le 11, 12 et 13 novembre courant. L’organisation d’un tel colloque veut-elle en effet dire que la guerre anti- fraude est déclarée ? Il faudrait bien l’espérer, surtout que les dettes publiques explosent, notamment suite à une crise financière et économique ravageuse suivie par des mesures et des plans de relance ici et là. On semble commencer à découvrir les répercussions de la fraude fiscale sur les finances des Etats. Tant mieux, surtout que cela ne s’arrête pas là, mais continue pour toucher à la compétitivité des entreprises et à la justice fiscale, là ou le bât blesse.
Dans beaucoup de pays, un arsenal répressif de la fraude fiscale est mis en place. Mais cela dépend d’un pays à un autre. L’activation de cet arsenal est souvent handicapé par des facteurs complexes, à la fois endogènes et exogènes. L’instabilité dans les pays en développement, la sous administration, l’absence de légitimité des gouvernements, la désorganisation des professions et des métiers, mais aussi le marché parallèle et la corruption organisée, sont tous des facteurs pointés du doigt.
Ils constituent, de par le sentiment d’impunité qu’ils font régner dans l’imaginaire collectif, un ensemble de facteurs de légitimation de la fraude fiscale, rendant ainsi l’arsenal d’un certain aspect répressif, peu efficace face à cette forme de « délinquance financière ».
Et puis, ces phénomènes des temps nouveaux, fort heureusement positifs, tels que l’internationalisation, la dématérialisation des échanges, ou encore la compétition entre les pays afin d’attirer encore plus d’investissements, n’ont-ils pas créé, d’une façon indirecte, un terrain favorable à la fraude et à toutes les acrobaties, devenues possibles par l’existence des paradis fiscaux et surtout par ce qui s’appelle « secret bancaire », un secret verrouillé et détourné de sa finalité économique.
Tout ce discours de légitimation de la fraude fiscale est dangereux, surtout qu’il s’agit de toucher à la civilité fiscale du contribuable, qui exige de plus en plus de transparence de la part de l’appareil administratif de contrôle. Ceci pourrait en fait gêner certains pays, et avoir ses répercussions néfastes sur les relations internationales, qui deviennent problématiques et tendues.
On se rappelle comment la Suisse a été dans le viseur d’acquisitions de plusieurs pays, notamment la France et les Etats Unis, mais on a vite eu le sentiment qu’il s’agissait plutôt de « tensions » rassemblant à une gesticulation ayant pour objectif de détourner l’opinion du caractère structurel de la fraude fiscale. Là-dessus, on n’a plus ce besoin d’ « exemples d’exemplarité » de la part de certains décideurs politiques !
Remédier aux causes de l’incivilité fiscale, la fraude fiscale semble être, notamment dans les pays en voie de développement, encore un sujet tabou. Afin de l’éradiquer, une réelle volonté politique se montre exigée. Il est difficile de révéler que la fraude fiscale se situe à hauteur de 5% du PIB de certains pays dis développés, et atteint même les 90% des recettes fiscales dans certains autres pays « sous développés » ! Alarmant !
L’espoir vient de ce genre de séminaires qui va permettre à un nombre intéressant de professeurs, d’experts comptables, d’universitaires ainsi que des représentants de ministères, tunisiens, du Maghreb et d’Europe, de s’exprimer et de penser ce phénomène ainsi que de concevoir les bonnes pratiques permettant son éradication. Ce qui est sûr, c’est que la fraude fiscale ne cesse de contribuer à l’aggravation de la dette publique, ce qui menace les équilibres budgétaires, soit à la réduction des dépenses publiques.
Economiquement, ces acrobaties financières conduisent à la distorsion de la concurrence entre les acteurs économiques. Sur le plan politique, la fraude fiscale met à mal les principes fondateurs de l’impôt, son consentement, son égalité et sa fonction de redistribution des richesses. Plus concrètement, la fraude se traduit par un transfert de la charge fiscale à ceux qui sont dans l’incapacité de frauder. La victime de la fraude est certes le service public, mais aussi tous les acteurs économiques !
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