Tunisie: Pour une bonne gouvernance du Parlement, un code d’éthique s’impose !
Cela fait des jours que le Parlement discute le budget de l’Etat en présence des acteurs principaux de ce dossier sauf que l’ambiance des réunions empêche l’évolution de ce projet. Malheureusement, certains députés continuent à pourrir l’ambiance du travail du Parlement en adoptant leurs discours haineux qui va en réalité à l’encontre de l’exercice démocratique favorisant la liberté d’expression et l’échange d'idées.
Cette ambiance, indigne d’un Parlement qui se respecte, est devenue même le sujet d’actualité de réseaux sociaux, et les Tunisiens connectés sont dépités: « Nous avons élu ces députés… nous aurons à assumer ce bordel parlementaire pendant un bon nombre d’années », ont dit certains d’entre eux.
Cependant, dans la plupart des démocraties dans le monde, le Parlement qui se respecte doit être doté d’une charte éthique qui régule le comportement de ses députés. La liberté d’expression est un droit, mais elle a des limites.
Un code de règlement intérieur a été d’ailleurs mis en place en février 2015 après vote, afin d’organiser les activités du Parlement. Or, ce code n’a pas permis d’éviter le chaos vécu ces dernières semaines à l’hémicycle du Bardo.
Toutefois, bien que ce règlement intérieur permette aux députés de mieux comprendre leur rôle et l’institution, il est axé sur le processus plutôt que sur le contenu. C'est-à dire, il explique les rouages de l'institution, mais pas nécessairement les comportements à respecter.
En effet, ce code souligne l’organisation financière et administrative du Parlement, en insistant sur son autonomie. Composé de 13 chapitres, il met également l’accent sur la manière avec laquelle devront se dérouler les séances du Parlement et les activités des commissions. Le contrôle de l’activité du gouvernement est un sujet qui a été traité par ce code, ainsi que la façon avec laquelle on vote pour un gouvernement ou on dissout un gouvernement. Mais aucune ligne ne traite de l’éthique parlementaire.
Pourtant, en Tunisie, nous avons une expérience prometteuse avecle code de conduite et de déontologie de l'agent public mis en place en 2014, après avoir constaté que le service public a besoin d’un cadre réglementaire et législatif des structures mais également d’un système de valeurs et d’une charte déontologiques pour rassembler toutes les parties prenantes, dans l’objectif de réaliser la cohésion et le développement durable.
Il est noté également dans le préambule de ce code :« Considérant que le comportement de l’encadrement du comportement et de la déontologie professionnelle dans le secteur public ainsi que les relations entre les différents acteurs, vient répondre aux standards internationaux d’une administration moderne et de satisfaire aux impératifs de la bonne gouvernance dans l’optique de fournir un cadre protecteur de l’agent public, d’un côté, et de rationaliser son comportement et son rapport au sein de son environnement professionnel, d’un autre côté ». Ce code est en réalité un outil pour améliorer la performance et le rendement de l’agent public et, lui permet de dépasser les situations de conflits.
Ceci nous pousse à nous demander: pourquoi l’Assemblée Nationale des Représentants des Peuples (ARP) n'est pas dotée d’un tel code à l’instar des expériences internationales ?
Retour sur des expériences internationales
Dans la plupart des démocraties dans le monde, le Parlement doit être doté d’une charte éthique qui régule le comportement de ses députés. Deux grandes expériences sont à suivre: celle du Parlement européen et celle du Parlement québécois.
L’expérience du Parlement québécois date de 2010, dont l’intitulé du document officiel est « Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale ». Divisé en cinq titres et plusieurs chapitres, ce code rappelle les règles déontologiques applicables à tout député, ainsi que les valeurs, principes et éthiques.
De son côté, le Parlement européen a adopté un code de conduite pour les députés européens en 2011, qui énonce les règles et les principes que les députés devront respecter dans leurs contacts avec les intérêts extérieurs et en vue d'éviter des conflits d'intérêts. Ce code souligne même la responsabilité du député et le « respect de la réputation du Parlement ».
Il est clair qu’il demeure important, dans cet état actuel, de prendre des mesures nécessaires pour mettre les choses dans l’ordre au sein du Parlement tunisien, à l’instar des expériences internationales, en mettant en place un code d’éthique et de déontologie. Et comme il a été signalé dans le "Guide Pour Les Parlementaires" lancé par le groupe de travail mondial sur l’éthique parlementaire « L'élaboration d’un code d'éthique et de conduite est un processus politique. Par conséquent, le contexte politique déterminera le contenu et le processus d'élaboration de la politique. »
En effet, une politique d'éthique et de conduite au sein de l’ARP serait utile pour permettre de s'assurer que les députés comprennent et respectent les règles fondamentales du Parlement, au lieu d’investir du temps dans des sujets qui n’intéressent pas réellement le peuple tunisien, et ceci mettra peut-être fin au « cirque » que nous sommes en train de suivre tous les jours sur la chaîne 2 de la Télévision Nationale Tunisienne.
Nouha Belaid
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