Tunisie: vers une migration au référentiel comptable IFRS à l’horizon 2014

Bien que traditionnellement de culture comptable Francophone, la Tunisie a été un des pays précurseurs dans l’emprunt du modèle anglo-américain.

 

En effet, depuis le début des années 90, certains professionnels comptables ont œuvré pour que le Conseil National de Comptabilité (CNC) fasse le recours aux normes IAS (International Accounting Standards).

Ce qui a conduit Gilbert Gélard – en sa qualité de membre de l’IASB (International Accounting Standards Commitee) – à déclarer publiquement lors de la tenue des assises de l’IFAC (International Federation of Accountants) à Paris (en 1997) qu’en matière de normalisation comptable, la Tunisie est devenue la référence à suivre par tous les pays Francophones – y compris la France –.
L’histoire a donné raison à la profession comptable en Tunisie. Ainsi plusieurs années plus tard (2005) l’Europe décide l’adoption pure et simple des normes IFRS (International Financial Reporting Standards) par les groupes de sociétés faisant appel public à l’épargne.

Convient-il de rappeler, à ce niveau, que les auteurs des Normes Comptables Tunisiennes NCT (Système Comptables des Entreprise SCE 1996) ont été amenés à "adapter", au contexte local, les Normes Comptables Internationales IAS usitées en 1995 ?   

En effet, l’existence de plusieurs options disparates véhiculées à travers les normes internationales de l’époque a amené le normalisateur tunisien à "sélectionner" les options les mieux indiquées eu égard aux spécificités et à la réalité des opérateurs locaux.

Les versions récentes des IFRS ont fait, cadre conceptuel à l’appui, l’objet de limitation d’options à telle enseigne que la seule perspective offerte, de nos jours, aux autorités comptables locales est d’"adopter" dans son intégralité un référentiel international parfaitement harmonisé.

C’est précisément dans le sillage de ce consensus global, qu’il y a lieu de situer l’opportunité et la pertinence des choix stratégiques retenus, tout récemment, par les pouvoirs publics tunisiens et qui visent la migration vers les IFRS à l’horizon 2014.

Il va sans dire que, faute d’une véritable séparation des questions fiscales par rapport aux préoccupations comptables, l’implémentation des NCT – d’inspiration profondément internationale qui donne à la discipline comptable une entière autonomie – dans les entreprises tunisiennes n’a été convenablement opérée dans plusieurs cas de figure ;

A vrai dire, le modèle à plan comptable usuellement pratiqué en Tunisie – avant 1997 – n’a pas permis le strict respect des règles de reconnaissances, de mesure et de divulgation comptable telles que préconisées pour un modèle à cadre conceptuel.

Force est de constater qu'il s'agissait en réalité, d'une "rupture" avec une "comptabilité générale" à portée fiscale et juridique qui ne saurait point favoriser la perception de l'image fidèle et de la "juste valeur" de l'entreprise, de ses activités et de ses performances.

En décidant le recours aux IFRS vers 2014, les autorités publiques lancent un véritable défi pour une migration "rapide" et appropriée vers de nouveaux dispositifs comptable, financier, informationnel, organisationnel et de contrôle interne de l'entreprise – petite ou grande, privée ou publique –.

La réussite dans cet exercice implique la conception d'un processus de "gestion du changement" à la mesure de la complexité et de la profondeur du nouveau référentiel comptable.
On est vraisemblablement dans l'obligation de faire TOUT VITE ET BIEN.

FAIRE TOUT est un acte incontournable car les nouvelles normes comptables internationales constituent un ensemble qui ne saurait fonctionner à "petites doses". On ne saurait pouvoir, dorénavant, déclarer l'application des IFRS tout en ignorant un composant, une norme ou un principe.

FAIRE VITE s'avère, aussi, la préoccupation première des entreprises qui doivent adopter, au plus tard, les nouvelles normes pour le bilan d'ouverture de 2014 (à savoir les états financiers de 2013) voire – et à titre d'essai – pour les comptes sociaux de 2011 et 2012.

Quid de la mise à niveau que nécessite cette migration vers le nouveau système ? Cela concernerait tous les acteurs (dirigeants, opérationnels, financiers, comptables, ... auditeurs, commissaires aux comptes, formateurs,...) tous les systèmes d'information (modules comptables et financiers mais aussi modules opérant liés à la production, à la maintenance, la gestion des stocks, la vente, ...) et tous les dispositifs de l'entité (sécurité de contrôle interne, gestion des risques, procédures et règles de gestion ...).

FAIRE BIEN implique, enfin, le recours à des compétences certaines – et non à certaines compétences ! – aussi bien pour la mise à niveau des ressources humaines et des systèmes (organisationnels, informatique, opérationnel,…et comptable) que pour l'assistance dans un processus engageant et ô combien important telle que "la gestion du changement".

 

 

Par Abdessatar MABKHOUT
Associé PricewaterhouseCoopers- Tunisia