Turquie : Erdogan en voie d’être réélu, mais l’opposition dénonce des fraudes

 Turquie : Erdogan en voie d’être réélu, mais l’opposition dénonce des fraudes

 

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est bien placé dimanche soir pour se succéder à lui-même dès le premier tour, selon des résultats provisoires portant sur trois quart des bulletins. Ce dépouillement partiel lui attribue 54,4 % des voix, contre 29,8% à son principal adversaire, Muharrem Ince, du parti laïc de centre-gauche CHP.

Le score pourrait toutefois évoluer fortement en soirée, comme lors du référendum constitutionnel d'avril 2017 où le « oui », pro Erdogan, avait été annoncé à 61 % avant de finir à 51 %...

Si ce résultat, contraire aux pronostics de nombreux analystes et des derniers sondages, qui le voyaient contraint à un second tour le 8 juillet, était confirmé, le chef de l'Etat turc, arrivé au pouvoir il y a quinze ans, s'assurerait une main mise politique totale sur le pays pour cinq ans.

Le régime est en effet devenu hyper présidentiel en vertu d'une réforme constitutionnelle, en avril. Recep Erdogan serait à la fois chef de l'Etat, du gouvernement, du parti islamo-conservateur AKP et donc de la principale faction parlementaire.

De quoi inquiéter sur la situation de l'Etat de droit en Turquie, d'autant plus que le chef de l'Etat a fait arrêter près de 40.000 personnes suite au coup d'Etat raté de juillet 2016. Mais les partisans du chef de l'Etat aspirent à un leadership très fort et ne se préoccupent absolument pas du système de « check and balance » des pouvoirs en vigueur en Occident, fait valoir Semih Idiz, chroniqueur du site d'actualités « Al Monitor ».

« Erdogan veut tout diriger, ce qui commence à faire peur aux investisseurs, jusque-là flegmatiques, il n'est plus vraiment garant de stabilité politique », ajoute Sinan Ulgen, du think tank Edam. Le regain d'inflation et la forte chute de la livre (18 %) depuis le début de l'année semblaient menacer le chef de l'Etat et son parti AKP lors du double scrutin présidentiel et parlementaire.

Toutefois, Recep Erdogan n'a jamais perdu une élection depuis son arrivée au pouvoir en 2003, déjouant les pronostics d'analystes de l'intelligentsia turque, peut-être encline à prendre ses désirs pour la réalité. Il peut aussi s'appuyer sur les classes rurales pauvres et pieuses. Un entrepreneur déplore toutefois que « la base de l'électorat AKP [ne soit] pas la force transformatrice du pays que sont les diplômés, les jeunes et les urbains ».

Cette victoire qui se profile en soirée serait toutefois entachée d'allégations de fraudes et irrégularités sans précédent. Selon les partis d'opposition, de nombreux observateurs de la société civile ont été interdits d'accès aux bureaux de vote, dont certains ont fusionné au dernier moment pour raison, selon la police, de sécurité. Une dizaine d'étrangers, (des Allemands, des Italiens et une sénatrice communiste française ) ont été brièvement interpellés.

Les observateurs d'opposition ont aussi affirmé avoir repéré des urnes pleines de bulletins dès l'ouverture du scrutin. La loi électorale a également autorisé au dernier moment l'utilisation de bulletins non tamponnés officiellement. Des analystes politiques turcs soulignaient avant le vote, sous le sceau de l'anonymat, que ces deux techniques, en sus du bourrage d'urnes dans le Sud-Est kurde, permettraient de gonfler le score d'Erdogan de 3 à 4 %.

Les accusations de fraudes étaient étayées par le score étonnamment élevé du président Erdogan dans des régions où il réalisait jusqu'ici des chiffres dérisoires. Le Sud était particulièrement stratégique, car concentrant une forte population kurde, alors que l'un des enjeux clefs du scrutin était la capacité du parti pro-kurde HDP à passer le seuil de 10 % au niveau national et donc d'obtenir, ou pas, 60 députés, faute de quoi cela conférerait presque automatiquement la majorité parlementaire au parti AKP d'Erdogan.

Son score, dimanche soir, était de plus de 10%, contre 57% pour l'AKP et 29% pour le parti de Muharrem Ince, le CHP. Une agence de presse officielle a accusé l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) de vouloir « perturber le scrutin »en refusant de le reconnaître sincère et transparent.

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