Youssef Chahed sur El Hiwar Ettounsi, sûr de lui et dominateur
C’est un Youssef Chahed sûr de lui et dominateur qui s’est présenté jeudi soir aux téléspectateurs tunisiens dans sa première prestation télévisée depuis le remaniement de son gouvernement. Offensif, il a été long, clair et parfois ferme dans ses réponses surtout sur la politique économique et sociale de son gouvernement qui a été au centre de cette interview accordée à El Hiwar Ettounsi et conduite pas sa journaliste vedette Myriam Belkadhi.
Interrogé dès l’abord sur l’accident au large des Iles Kerkennah entre un patrouilleur de la marine nationale et une embarcation d’émigrés clandestins, Il a tenu à présenter ses condoléances attristées aux familles endeuillées par la mort ou la disparition d’un des leurs dans cet incident. « Ce sont nos enfants et nous ne pouvons que partager la peine de leurs parents et proches », a-t-il dit en indiquant qu’il a donné des instructions pour qu’une enquête soit diligentée pour déterminer les responsabilités dans cette affaire. « Toute la lumière sera faite », a-t-il dit avec gravité.
Parlant du programme économique et social du gouvernement à l’horizon 2020, le Chef du Gouvernement a rappelé les objectifs qu’il a énumérés au cours de son dernier discours devant l’ARP lors de l’investiture des nouveaux membres du gouvernement. « Nous avons été investis jusqu’aux prochaines élections législatives fin 2019 et nous nous devons de préparer le budget et la loi des Finances 2020, c’est pourquoi nous avons envisagé cette échéance », a-t-il dit en réponse à une question. Il s’est félicité du retour des moteurs de la croissance, à savoir l’investissement et les exportations, ce qui permet selon lui d’envisager cette échéance avec confiance.
Sur le projet de loi des finances pour l’exercice 2018, il s’est dit étonné qu’on ait critiqué ce projet sur la base de fuites qui ne sont par véridiques. Ce n’est pas responsable de procéder de cette manière, a-t-il ajouté en affirmant que le projet de loi des Finances n’a été approuvé que ce jeudi à midi et il sera transmis à l’assemblée des représentants du peuple dans les délais règlementaires c'est-à-dire avant le 15 octobre. « On a critiqué ce projet sans en avoir pris connaissance, car je peux affirmer contrairement à ce qu’on l’a avancé qu’il n’y aura pas d’augmentation dans certains taxes comme on l’a dit comme la vignette auto ou la taxe de voyage », a affirmé le Chef du Gouvernement.
A plusieurs reprises, Youssef Chahed a parlé de « l’économie de rente qui sera plus lourdement taxée alors que les activités productrices le seront moins dans le cadre de la justice sociale que nous voudrions instaurer », selon lui. A cet égard il s’est dit étonné que des cafés et établissements similaires paient une taxe uniforme dans le cadre de la fiscalité forfaitaire quel que soit le lieu où ils se trouvent. Ce sont plus de 400 mille établissements qui paient 70 dinars par an, cela ne peut plus durer, a précisé Youssef Chahed qui a indiqué que seuls les établissements dans les zones populaires garderont ce statut alors que les autres devront payer des taxes en fonction des recettes qu’ils procurent.
La fonction de la fiscalité est précisément d’instaurer la justice entre les citoyens a-t-il dit en annonçant qu’une taxe sera instaurée aux dépens de l’économie de rente pour réhabiliter les établissements scolaires et hospitaliers qui se trouvent dans une situation de dégradation avancée.
Il a affirmé que la pression fiscale ne sera pas accrue en vertu de la nouvelle loi des Finances. Elle demeurera à 22% identique à celle enregistrée en 2017. Il a dans ce cadre affirmé que la taxe exceptionnelle imposée aux entreprises cette année ne sera pas reconduite dans la loi des finances 2018. « Je m’y suis engagé et j’honore cet engagement », a-t-il souligné.
Pour inciter les entrepreneurs à investir dans les régions intérieurs, il a annoncé que des exonérations de toute taxe leur seront accordées pendant trois ans. Nous comptons aussi créer pour les agriculteurs la caisse des calamités naturelles qui permettra d’indemniser les producteurs agricoles au cas où leurs récoltes sont exposées aux catastrophes naturelles. De même nous comptons doubler l’allocation budgétaire pour la subvention des exportations dans le but d’encourager les exportateurs, a-t-il annoncé.
S’agissant de la situation du dinar qui connaît un glissement continu, Youssef Chahed a indiqué que des mesures protectionnistes seront prises pour freiner les importations sauvages des matières non indispensables, dans le but de réduire le déficit de la balance commerciale.
Il a en outre critiqué la politique monétaire conduite par la Banque Centrale laissant entendre qu’un remplacement du Gouverneur de cette institution est envisagé. « Personne n’est valable tout le temps »a-t-il dit à ce sujet.
Youssef Chahed a souligné l’intention de son gouvernement de mener les grandes réformes dont tout le monde parle depuis plusieurs années sans oser les conduire. Ainsi il a parlé de la réforme des caisses sociales évoquée depuis 1990 et que nous sommes déterminés à mener en concertation avec les partenaires sociaux. L’autre réforme est celle de la caisse de compensation. Une première mesure concerne le sucre qui sera vendu à deux prix, l’un subventionné et l’autre au prix réel selon les capacités des citoyens.
Evoquant la guerre contre la corruption et les malversations, il a répété sa détermination à mener cette guerre jusqu’au bout. « Nous avons eu le courage de mener cette guerre en dépit de tous les risques que cela représente et nous n’avons pas l’intention de baisser la garde » a souligné le Chef du gouvernement.
Au sujet du soutien que le gouvernement d’union nationale attend des partis et organisations, il a dit qu’il souhaite que ce soutien soit plus ample et plus ferme, mais on comprend que chacun soit dans son rôle. Ainsi il ne s’est pas dit offusqué lorsque l’UGTT ou l’UTICA parlent de lignes rouges. « L’essentiel c’est que nous parlons de tout sans aucun tabou », a-t-il affirmé.
Alors qu’elle lui demandait s’il se considère comme le Premier ministre de Béji Caïd Essebsi, il a rabroué son interlocutrice. « J’ai les meilleures relations avec le président de la république et c’est une très bonne chose mais chacun de nous est dans son rôle. Si je prends conseil de M.Béji Caïd Essebsi, cela m’honore au vu de sa longue expérience, de sa sagesse et son expertise certaine », a-t-il souligné.
Raouf Ben Rejeb
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