En Syrie, les prisonniers sortent de l’enfer de la prison de Saydnaya
Un homme immortalise la scène avec son téléphone : des hommes armés font sauter les verrous des cellules de Saydnaya, la prison syrienne témoin des pires exactions du pouvoir de Bachar al-Assad. Des hommes, des femmes et des enfants hagards en sortent, peinant à croire que le président est vraiment tombé.
« Vous êtes des hommes libres, sortez ! C’est fini, Bachar est parti, on l’a écrabouillé ! » crie l’homme au cellulaire, quelques heures après l’entrée des rebelles dans Damas et la fuite en Russie du président Bachar al-Assad.
Par la porte, des dizaines d’hommes, visages émaciés, certains portés par des camarades car trop faibles pour avancer seuls, sortent de la cellule carrelée.
Aucun mobilier n’est visible, si ce n’est quelques maigres couvertures jetées au sol. Et des murs rongés par l’humidité et la saleté.
« Que s’est-il passé ? » La question revient sur les lèvres des prisonniers désormais libres.
Dès la chute d’Assad, les rebelles ont foncé vers les prisons.
Geôles secrètes sous la prison
À Saydnaya, à une trentaine de kilomètres de Damas, libérer les prisonniers s’annonce redoutable.
Le groupe de secours des Casques blancs dit chercher des « cellules souterraines cachées ». Pour le moment, en vain.
Malgré des informations contradictoires, ses volontaires défoncent depuis dimanche murs et recoins à coups de masse ou de barres de fer pour tenter de les localiser.
Les équipes utilisent aussi des capteurs audio, des chiens : « Nous travaillons de toute notre énergie, mais jusqu’à présent, il n’y a aucune preuve confirmant la présence de détenus à l’intérieur des sous-sols et labyrinthes », a indiqué sur X le chef des Casques blancs, Raed Saleh, après avoir annoncé devoir « se préparer au pire ».
Le groupe a promis une récompense de 3000 $ à toute personne permettant d’identifier l’emplacement des prisons secrètes, et a appelé les anciens officiers de sécurité et ceux qui sont en fonction à fournir leur aide, tout en garantissant de ne pas divulguer leur identité.
« Il y a des centaines, peut-être des milliers de prisonniers retenus deux ou trois étages sous terre, derrière des verrous électroniques et des portes hermétiques », prévient Charles Lister, du Middle East Institute.
Dans une autre aile, ce sont des cellules de femmes. Devant la porte de l’une d’elles, un enfant attend, perdu.
« J’ai peur », hurlent plusieurs femmes à la suite, visiblement apeurées à l’idée d’être piégées ou de nouveau violentées par les hommes en armes qui sillonnent les coursives.
« Il est tombé, vous pouvez sortir », ne cessent de marteler ceux qui viennent les délivrer.
Depuis le début en 2011 de la « révolution », plus de 100 000 personnes ont péri dans les prisons du régime Assad, notamment sous la torture, estimait en 2022 l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
À la même époque, l’OSDH rapportait qu’environ 30 000 personnes avaient été détenues à Saydnaya, dont seulement 6000 avaient été relâchées.
Sortir d’un « abattoir humain »
Amnesty International, de son côté, a recensé des milliers d’exécutions et dénonce « une véritable politique d’extermination » à Saydnaya, un « abattoir humain ».
Dans les rues de la capitale, aujourd’hui, ils déferlent par vagues. Reconnaissables de loin parce qu’ils portent encore les stigmates de ce qui a fait la triste notoriété de Saydnaya, comme d’autres prisons avant elle en Syrie : la torture, la maladie et surtout la faim.
Certains sont incapables de dire un mot. Pas même leur nom ou leur ville d’origine. D’autres répètent en boucle des borborygmes, traumatisés par la torture, affirment leurs compagnons d’infortune.
Certains sont là depuis peu. D’autres avaient disparu depuis l’époque d’Hafez al-Assad.
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