La Mosquée Mâlek Ibn Anas de Carthage : Symbole en péril d’un patrimoine oublié

La Mosquée Mâlek Ibn Anas de Carthage : Symbole en péril d’un patrimoine oublié

Reconnaissable par son architecture arabo-musulmane majestueuse, sa prestance et son minaret élancé, la Grande Mosquée Mâlek ibn Anas — anciennement connue sous le nom de mosquée El Abidine — s’est imposée depuis son inauguration en 2003 comme un monument emblématique de la banlieue de Carthage, incarnant à la fois la foi et la grandeur de la Tunisie.

Érigée en front de mer, sur la colline de l’Odéon au nord de Carthage, à proximité du Palais présidentiel, cette mosquée impressionne par ses dimensions et son élégance. Elle comprend une vaste salle de prière, une cour intérieure de 1 500 m², une esplanade de 2 500 m², un minaret de 55 mètres de haut reposant sur une base de 9 mètres, plusieurs espaces d’ablution (midhas pour le woudhou), de magnifiques jardins ainsi qu’un grand parking.

L’accès à la mosquée se fait par une large esplanade de 35 mètres de largeur, encadrée par un portail orné des noms d’Allah et de versets coraniques finement gravés. Le revêtement en pierre marbrière beige et les détails architecturaux ont fait de cet édifice un joyau de l’architecture arabo-musulmane contemporaine, véritable fierté nationale.

Mais hélas, depuis la Révolution, cette mosquée traverse une phase de déclin alarmant, au point de vivre aujourd’hui les heures les plus sombres de son histoire.

Mal entretenue, la mosquée ne dispose même plus d’espaces d’ablution fonctionnels. Ces installations essentielles à la purification rituelle avant la prière sont désormais hors service : plus d’eau, plus de robinets, au grand désarroi des fidèles.

Autrefois, l’air circulait agréablement à travers les moucharabiehs en bois et les motifs en stuc, apportant fraîcheur et sérénité. Aujourd’hui, les climatiseurs sont hors d’usage, et cette atmosphère paisible n’est plus qu’un souvenir lointain.

Les jardins, qui formaient un véritable havre de paix, sont laissés à l’abandon, envahis par une végétation sauvage. Le parking, qui aurait pu constituer une source de revenu stable, est lui aussi déserté.

Ce déclin, amorcé avec la fin de la tutelle présidentielle sur la mosquée décidée dans la précipitation, après la révolution, appelle aujourd’hui à une mobilisation collective.

Il ne s’agit plus d’une simple question de gestion religieuse d’une mosquée, mais de la préservation d’un pan essentiel du patrimoine tunisien.

Le ministère de la Culture, en charge de la sauvegarde du patrimoine, la municipalité de Carthage, les associations caritatives et les donateurs doivent impérativement s’impliquer. Car avec des ressources limitées, le ministère des Affaires religieuses ne peut à lui seul assurer un entretien digne de ce monument.

Les retards récurrents dans le lancement des travaux de réhabilitation -en raison du manque de moyens financiers et humains, ainsi que des lourdeurs administratives- ne font que confirmer cette impasse qui dure depuis des  années.

Et pourtant, restaurer et préserver cette mosquée n’est pas une mission impossible. Avec de la volonté, une méthode claire, des outils adaptés et quelques idées innovantes, il est tout à fait envisageable de redonner vie à la mosquée « Mâlek ibn Anas » et de lui permettre de devenir autosuffisante pour son entretien futur.

Kais Ben Mrad

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