La Tunisie, un pays sous la menace de faillite ! 

La Tunisie, un pays sous la menace de faillite ! 

 

Aux députés qui ont qualifié le gouvernement d’une bande « d’escrocs et de corrompus qui cherchent à vendre le pays », le ministre des finances par intérim Fadhel Abdelkefi a répliqué «qu’il n’y a pas plus facile que l’incivilité et l’insolence, si vous voulez aider votre pays aidez-nous par votre silence, car la situation de l’économie tunisienne est catastrophique ». Le mot est lâché, le pays s’enfonce dans le fond et risque de le toucher, sans pouvoir remonter. C’est la faillite, ou presque.  Les salaires des mois d’août et de septembre ne sont pas garantis et le prêt de 500 millions de dollars contracté auprès de l’Union européenne servira d’appui au budget de l’Etat. Pendant ce temps, nos élus ne font que se chamailler, se lancer des accusations, s’en prendre, parfois avec une violence verbale inouïe au gouvernement, pour le rendre seul responsable de la situation, sans, en contrepartie, proposer une sortie de crise.

Endettement record

L’endettement du pays a atteint un taux record de 75% de son PIB et on gère la situation de jour en jour. « Le recours au FMI n’est pas un choix mais plutôt une obligation, car nous n’avons plus d’autres solutions », a asséné Fadhel Abdelkefi. « En 2010, le budget de l’Etat était de l’ordre de 18 milliards de dinars, six ans après il a presque doublé, dépassant les 34 milliards de dinars », a-t-il expliqué. Parallèlement à cela, les principaux moteurs de production et de croissance, comme les phosphates et le tourisme ont pris un coup d’arrêt. Les caisses sociale sont à plat, les promesses d’aides récoltées lors de la conférence internationale sur l’investissement, tenue en novembre dernier, tardent à se concrétiser et le dinar dégringole jusqu’à toucher le fond. En même temps, on a enregistré une hausse, sans précédent, de la masse salariale en raison du gonflement de l’effectif des fonctionnaires et une aggravation du déficit commercial…qui ont beaucoup impacté les équilibres macroéconomiques du pays.

Dans son « Country Report » de 93 pages, publié, en anglais le 10 juillet 2017, et dont l’essentiel a été repris par le patron de Jeune Afrique, Béchir Ben Yahmed, dans son dernier « Je crois », le FMI tire la sonnette d’alarme. « La transition politique » lit-on dans l’introduction, « se poursuit en Tunisie, mais le mécontentement demeure élevé parmi les citoyens. Après avoir stagné en 2015 et 2016, la croissance va repartir et devrait atteindre 2,3 % en 2017, essentiellement grâce au tourisme et à l’exploitation du phosphate. Les investissements restent insuffisants, handicapés qu’ils sont par diverses déficiences structurelles, un taux de change surévalué et une perte de confiance suscitée par les attaques terroristes de 2015. […] Les dérapages du budget de l’État continuent de creuser le déficit courant, qui a atteint 10 % du PIB au premier trimestre de 2017. » En six ans, l’endettement extérieur a presque doublé, passant de 45 % à 75 % du PIB. Le FMI n’exclut pas que la barre des 100 % soit franchie au cours des prochaines années. Déjà chaque citoyen tunisien, enfant ou adulte est redevable d’un montant de 6.000 dinars. C’est tout simplement catastrophique. « Pas de doute » écrit Ben Yahmed, « bénéficiaire de l’aide du FMI, la Tunisie est déjà sous sa surveillance la plus étroite ». Et d’ajouter que les auteurs du rapport « affirment, au nom de leur institution, que la Tunisie et son économie sont dans de très mauvais draps et même que leur échec est programmé ; que les efforts du gouvernement sont insuffisants et inadéquats ».

Tous responsables

Tous les témoins sont au rouge alors que nous faisons la politique de l’autruche, et le pays risque de se trouver, à partir de 2018, dans une situation critique. Si le gouvernement d’union nationale issu du « Document de Carthage » a eu le courage de dire la vérité aux Tunisiens, en assumant ses responsabilités face à la crise profonde qui secoue le pays, il n’en est pas de même pour l’opposition qui est, certes, dans son rôle critique, mais elle semble se dérober à ses responsabilités face à la catastrophe. Il ne suffit pas, à chaque fois, de pointer du doigt le modèle de développement qui, selon elle, est la cause de tous les maux socio-économiques du pays, ou encore d’accuser le gouvernement de ne pas prendre ses responsabilités face à la crise, mais elle doit, surtout, en cette étape difficile, de proposer des solutions de sortie de crise avec les moindres dégâts. Il en est de même pour les autres partenaires du Document de Carthage dont certains ne soutiennent les efforts du gouvernement qu’au bout des lèvres.

L’UGTT, qui maintient, sous conditions, son soutien au gouvernement d’union nationale a inscrit dans son agenda des lignes rouges auxquelles il ne faut pas toucher. Des lignes rouges que Fadhel Abdelkefi qualifie de « terrorisme intellectuel ». Ce qui ne plait pas aux dirigeants de la centrale syndicale dont le porte-parole Sami Tahri a répliqué en disant que « cette qualification est provocatrice ».

Maintenir la tête hors de l’eau

Le modèle de développement est certes dépassé et aurait dû être revu depuis des années, mais il n’est pas la seule cause du débâcle annoncé.  Le pays a commencé sa dégringolade au cours des dix dernières années du régime de Ben Ali. « Mais c’est à partir de 2011, avec ce que les Tunisiens appellent à tort « la révolution », que le pays et son économie ont commencé à se déglinguer », écrit Béchir Ben Yahmed qui pointe du doigt le système politique établi par l’ancienne Assemblée nationale constituante, un système hybride, ajoute-t-il, qui «  contrecarre ou retarde toutes les décisions socio-économiques. Il ne convient certainement pas à un pays économiquement en perdition ».

« Le gouvernement et son chef promettent d’agir. Ils le devraient, sans doute, mais en sont bien incapables. L’équipe au pouvoir est d’ailleurs loin d’être soudée et, en Tunisie, on ne parle que du remaniement attendu ou en cours. On en attend beaucoup, il n’aura pas d’effet », conclut le patron de Jeune Afrique qui appelle à soutenir « ce petit pays » le seul rescapé de ce qui est appelé « printemps arabe », « pour lui permettre de maintenir la tête hors de l’eau ».

Nous ajouterons que quand la maison brûle, il ne faut pas regarder ailleurs. Il faut plutôt se précipiter pour sauver ce qui pourrait être sauvé sans tarder. Car si le toit venait à s’effondrer, il n’épargnerait personne.

B.O

 

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