Le gouvernement d’unité nationale: La fausse piste
Un gouvernement qui a réussi la prouesse d’associer Nidaa tounès à Ennahdha au nom déjà d’une certaine unité nationale. Manœuvre qui a vidé les précédentes élections de tout sens et généré une frustration de l’électeur qui a fini par jeter l’opprobre sur toute la classe et l’exercice politique.
Quels seraient alors les desseins de l’initiateur de cet appel ?
Quelques éléments amènent à penser que ce qui a été présenté comme une initiative solitaire ne serait en réalité qu’une étape dans un processus convenu devant aboutir à l’intégration acceptée et apaisée d’Ennahdha dans le paysage politique. Ceci passant nécessairement par sa participation grandissante dans l’équipe gouvernementale.
Les arguments présentés par le président de la république dans son appel à un gouvernement d’unité nationale voudraient suggérer l’existence d’une crise politique ce qui est loin d’être le cas. En effet, le gouvernement s’adosse à un bloc parlementaire le plus large possible. D’ailleurs, il serait illusoire de penser que l’on puisse l’étendre davantage sauf en incorporant des organisations professionnelles. Or, une telle participation ouvrirait une nouvelle fois la boite de pandore en invitant ces organisations dans la scène politique, il ne faudra plus s’étonner qu’elles refuseront après de réintégrer leurs simples dimensions sociales.
Comme nous venons de le voir, le pays ne souffre nullement d’une crise politique. Bien au contraire, les institutions sont stabilisées parfois même au delà de ce qu’il faudrait avec une opposition parlementaire inaudible et surtout impuissante.
Déplacer la crise sur le terrain politique pour faire écran sur la vraie crise économique.
La lettre adressée par le président de la république aux partis politiques et le ballet de concertations et de consultations s’arrêtent peu sur la question économique. La récession dont est frappé le pays est vécue comme une fatalité qui attend un investisseur étranger qui ne vient pas. Du moins c’est le diagnostic galvaudé par les tenants de la pensée unique. Le débat économique se trouve déplacé sur des questions accessoires telles que la masse salariale des fonctionnaires ou de leur laxisme. On va parfois jusqu’à relever le déficit énorme de la balance commerciale, la dégringolade de la valeur du dinar et la pléthore du marché parallèle mais on n’ose pas pointer de l’index les franchises et les importations légales des biens de consommation qui sont autant d’heures de travail perdues. Des marchandises qui rétrécissent les parts de marché de la production nationale ce qui jette nos PME/PMI dans une situation intenable. Comment leurs demander alors de se développer, de s’agrandir, d’investir et d’embaucher ? Qui oserait se poser ces questions qui fâcheraient les grandes fortunes nationales, celles qui se sont constituées depuis Ben Ali sur une importation rentière. Des fortunés dont les entreprises sont tout au plus des "showroom" et dont l’employabilité est réduite à peu de choses. Regardez leur bilan sur le site de la bourse et comparez le au personnel qu’ils emploient et vous constaterez l’inadéquation criarde. Nous nous endettons pour ensuite acheter des biens de consommation étrangers. Nous savons que si 25% des produits consommés sont étrangers, le coefficient multiplicateur du budget descend à 2, qu’en serait-il dans le cas tunisien où la consommation des produits nationaux et en passe de devenir anecdotique. Là est la clef du problème. Elle n’est pas dans les diktats du FMI avec sa trilogie : austérité, libéralisation et privatisation. L’ordonnance du FMI c’est la prescription de la potion mortelle. La Tunisie ne peut être tirée d’affaire que grâce à une politique volontaire patriotique et courageuse basée sur un protectionnisme sectoriel. Seule nos PME/PMI protégées comme on protège les infants industries sont la clef de notre sortie de crise. Ceux qui sous les prétextes fallacieux de conventions signées, d’accords internationaux et toute autre réserve arguent contre cette politique, ont fait le choix de reddition et de la soumission.
Au total, ce n’est pas d’un nouveau gouvernement que nous avons besoin mais d’une nouvelle politique économique.
Lotfi M’RAIHI
(Secrétaire Général de l’UPR)
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