Néji Jalloul ne devrait pas dire ça !
Le limogeage du ministre de l’éducation Néji Jalloul, bien qu’attendu, a été mal accueilli par la plupart des observateurs. Jugé comme un geste à l’égard de la centrale syndicale et notamment des deux syndicats de l’enseignement secondaire et celui du primaire, il a suscité un large mouvement de sympathie vis-à- du ministre le plus populaire du gouvernement. La pression mise sur Youssef Chahed par le nouveau secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Tabboubi, en cette période de crise sociale a fini par le faire plier à la veille de la fête de travail. Les raisons fuités par la présidence du gouvernement pour expliquer cette révocation ne pourraient pas convaincre même les plus crédules. Car, un accord a été conclu entre les deux hommes pour faire partir Néji Jalloul en contrepartie d’un soutien plus affirmé de la centrale syndicale au gouvernement d’union nationale. D’ailleurs, l’UGTT s’est départie des appels à la démission du gouvernement et à l’organisation d’un nouveau dialogue national. Elle « n'appelle pas à faire tomber le gouvernement mais à évaluer en profondeur son travail après huit mois d'exercice », a assuré son porte parole Sami Tahri. Comme elle ne s’empresse pas de dénoncer le projet de réconciliation économique et financière actuellement en débat au sein de la commission de législation générale de l’ARP. Ce qui est à son actif.
Mais maintenant qu’il a été limogé et le chef du gouvernement a, certainement ses raisons qu’il garde pour lui, Néji Jalloul aurait dû faire preuve de circonspection et de réserve que lui impose le prestige de l’Etat duquel il croit, je pense. Au cours d’un entretien téléphonique avec lui, il a promis de ne pas donner d’interview ni de faire de déclarations qui pourraient revenir contre lui. Un ministre qui part, de son propre gré ou révoqué ne doit pas médire sur ses collègues, évaluer leur compétence ou tout simplement cracher dans l’assiette après y avoir mangé. Il n’aurait pas dû traiter son parti Nidaa Tounes de cette manière, même si ce qu’il a dit n’était pas totalement faux. Un parti auquel beaucoup souhaiterait un acte de liquidation ou un hara-kiri.
De mémoire d’homme aucun ministre de Bourguiba ou de Ben Ali, même brutalement congédié, ne s’était pas fendu d’une diatribe ou d’une simple critique. Mais les temps ont changé et on a vu de ministres, à peine révoqués, occuper les plateaux pour se refaire uen nouvelle virginité.
Certes Néji Jalloul « est un homme au caractère trempé ». Il est connu pour des coups de gueule. Il s’est illustré par ses piques et ses calembours, parfois, agressifs à l’égard de ses adversaires politiques. Il est un très bon tribun et il ne manque pas d’arguments pour justifier ses prises de position ou ses décisions. Avec son franc-parler, parfois, exagéré a fini par froisser. Sa popularité lui a joué de sales tours. Il est devenu un personnage qui dérange.
Sa dernière interview à l’hebdomadaire « Akhbar Al Joumhouria » est inappropriée. Car, les faits sont souvent têtus et contredisent ses déclarations. Aussi bien pour ses rapports avec son parti qu’avec son directeur exécutif Hafedh Caid Essebsi. Tout comme avec Ennahdha et son président Rached Ghannouchi.
Beaucoup, parmi ceux qui le connaissent, se désolent pour ses déclarations qu’ils jugent inopportunes. D’autres, parmi ses adversaires politiques, y compris les siens, ont critiqué ses propos dérangeants.
Cette sortie prématurée et mal calculée a écorné son image d’homme d’état et risque de lui faire dilapider ce capital de sympathie qu’il a acquis. Et de gâcher son crédit populaire.
Brahim Oueslati
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