Vote de confiance-Parlement : la jeune démocratie tunisienne sort grandie, quoi ensuite ?

 Vote de confiance-Parlement : la jeune démocratie tunisienne sort grandie, quoi ensuite ?

 

La jeune démocratie tunisienne en a vu de toutes les couleurs. En moins de dix ans et alors que ses institutions ne sont pas encore parachevées, elle a dû traverser différentes épreuves, dont elle s’en est plutôt bien sortie. La dernière en date étant le vote de confiance auquel a été soumis le président du Parlement, Rached Ghannouchi suite au dépôt d’une motion de retrait de confiance à son encontre signée par au moins 73 députés comme l'exigent les textes.

L’événement est de taille bien qu’il soit pour nombre de Tunisiens d’une indéniable banalité. Même dans les démocraties les plus solides, voir le président du Parlement, second personnage de l’Etat et président du premier parti politique de la place se soumettre au verdict de ses pairs qui ont décidé de le censurer n’est pas chose commune. C’est même le signe d’une maturité politique qui n’a pas d’égal sous d’autres cieux.

Sans nul doute de cet exercice, la jeune démocratie tunisienne en sort grandie. Malgré les débordements, et il y en a eu, malgré certains abus, comme le démontre le nombre élevé de votes invalides, malgré des tentatives d’interférence et de pressions qui sont inévitables, la séance plénière de l’ARP consacrée à ce vote de confiance s’est déroulée dans des conditions normales et n’a pas été entachée d’irrégularités flagrantes comme on pouvait le redouter.

Le président de séance, Tarek Ftiti mérite d’être félicité, car il a su par la fermeté parfois et par la tolérance d’autres a mené ce vote jusqu’à sa fin, ce qui était une véritable gageure.

Sans nul doute, ce vote en lui-même est le signe d’une bipolarisation à outrance de la vie partisane en Tunisie. Entre d’une part, les conservateurs menés par le Mouvement Ennahdha et les modernistes éclatés en plusieurs partis et dont le fer de lance fut le Parti destourien libre et sa présidente Abir Moussi.

La bipolarisation est d’ailleurs la marque des démocraties bien établies, mais elle doit être franche, acceptée et assumée. Ce qui ne semble pas être le cas actuellement, puisque Moussi refuse même d’appeler le mouvement Ennahdha par le nom qu’il s’est choisi.

Certes, le premier clan a marqué des points en maintenant le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi au Perchoir. Alors que les calculs précédents le vote le donnaient perdants, il a pu remonter la pente et garder son fauteuil. Mais, il ne fait pas de doute qu’il sort de l’épreuve affaibli et indéniablement contesté.

Certes, il va garder son poste dans l’immédiat, car il a pris une revanche sur tous ceux et ils sont nombreux à avoir contesté y compris son accession au Perchoir.

A 79 ans révolus, le fondateur de la Tendance islamique et chef de ce mouvement depuis un demi-siècle serait bien inspiré de quitter ses fonctions à la tête de l’ARP dans un délai raisonnable en vue permettre à un autre député, pourquoi pas d’Ennahdha mais qui soit plus jeune et moins conflictuel de reprendre les rênes du Parlement. Une passation de témoin qui sera saluée à l’intérieur comme à l’extérieur de sa famille politique.

Dans l’intervalle, Rached Ghannouchi doit tirer les leçons en devenant le président de tous les députés et non d’un clan au sein du Parlement. Il ne lui est demandé d’être à égale distance de tous les blocs représentés à l’Assemblée mais il se doit d’être équitable avec eux et d’appliquer les règlements sans arrières pensées partisanes.

La présidente du PDL, Abir Moussi dont la victoire fut de contraindre Rached Ghannouchi à se soumettre à un vote de confiance, doit elle aussi mettre de l’eau dans son thé et prendre du champ en laissant l’Assemblée faire son travail de légiférer, de contrôler l’exécutif et de mettre en place les institutions prévues par la Constitution.

Continuer comme elle l’a fait jusqu’ici de bloquer le travail de l’ARP par toutes les manœuvres dilatoires possibles et imaginables finira par se retourner contre elle et contre son parti, car ce qui est excessif devient par la force des choses insignifiant car inacceptable. La jeune démocratie tunisienne sort grandie, ce qui est incontestable.

Alors que sous d’autres cieux, on s’affronte avec de vraies armes, chez nous, on se querelle sous la coupole du Parlement et on règle nos différends par des votes dont tout le monde accepte le verdict. Mais gardons-nous de ne pas faire interférer des forces extérieures dans nos débats.

Si nous ne voulons donner des leçons à personne, nous n’en acceptons aucune des autres fussent-ils venant de pays soi-disant frères. Si ceux-ci cherchent à s’immiscer dans nos affaires, nous nous devons de ne pas leur en donner l’opportunité. Nous saurons régler nos problèmes tous seuls comme des grands.

C’est d’ailleurs la grande leçon du vote de ce jour de clôture de la première année de la Législature 2019-2024.

RBR

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