Création imminente du conseil de la presse
L’Ooredoo Médias Club qui se veut un lieu de rencontre et d’échange entre les journalistes spécialisés, vient d’organiser le jeudi 22 septembre, un déjeuner-débat sur les problématiques des médias Tunisiens.
Outre les journalistes membres du Club, ce débat a vu la participation du chargé de la communication au sein de la présidence du gouvernement Mofdi Mseddi, du président de la fédération des directeurs des journaux Taieb Zahar, du directeur exécutif du syndicat Tunisien des directeurs de médias Radhoune Charfi et d’une pléiade de directeur de médias.
Il a été animé par le chercheur en sciences de l’information et de la communication Mohamed Chelbi qui a exposé, lors de son intervention, les principales problématiques dont souffrent les médias tunisiens lesquelles problématiques sont en rapport avec l’inexistence d’une instance d’autorégulation qui doit émaner essentiellement des journalistes et des éditeurs.
Il a expliqué la différence entre autorégulation et régulation (HAICA) en se référent à quelques expériences dans des pays européens. Le chercheur a indiqué que les problèmes inhérents aux médias tunisiens, tels que les difficultés en matière de ventes, la rareté des lecteurs, les polémiques partisanes au sein des médias, le manque de professionnalisme des journalistes, l’intervention de l’Etat…sont dus à l’absence d’un conseil de presse, instance incontournable dans toute démocratie.
La création d’un conseil de presse est une condition nécessaire mais insuffisante a démontré le chercheur Chelbi. Deux autres outils sont nécessaires, a-t-il indiqué, qui sont l’autorégulation interne et la promotion de la pratique des « médias à responsabilité sociale », connue sous l’acronyme M*A*R*S, pour sous-tendre l’engagement des journalistes à respecter le code de déontologie qu’aura préparé le conseil de presse, lequel code devra concerner tous les journalistes indépendamment du média où ils exercent.
Les présents ont débattu par la suite, des énormes difficultés auxquelles sont confrontés les médias tunisiens après la révolution.
Ils ont insisté sur les problèmes de financement des journaux en papier particulièrement après la disparition de la publicité et des abonnements publics, ainsi que la baisse remarquable du nombreux de lecteurs à cause de la concurrence des journaux électroniques et de la baisse du pouvoir d’achat des Tunisiens dont nombreux ne sont en plus capables de se permettre d’acheter des journaux ou des magazines.
D’autres journalistes présents parmi l’assistance ont insisté à revenir sur les questions relatives à la publicité publique et privée. Des pratiques piétinant la déontologie ont été signalées parmi lesquelles des contrats passés entre certains journaux et des annonceurs stipulant argent contre silence. D’aucuns se sont plaints de la répartition de la publicité sur les sites d’information faisant valoir que cela ne se faisait pas souvent sur la base de la qualité des contenus.
La représentante d’Ooredoo Meriem Zaoui a pour sa part a affirmé que les méthodes en usage pour les mesures d’audience n’étaient pas efficaces et ne renseignaient pas sur la réalité des choses. Elle a appelé à s’inspirer de méthodes utilisées ailleurs pour une répartition équitable de la publicité et conforme au poids réel de chaque média.
Le directeur exécutif du syndicat Tunisien des directeurs de médias Radhoune Charfi a appelé dans ce sens, l’Etat à soutenir les médias faisant preuve de prémices de contenus de qualité et à réviser au plus vite les fameux décrets 115 et 116 en faisant participer les vrais professionnels qui n’ont pas été consultés au départ à leur révision.
Charfi a rappelé qu’une latitude trop grande est donnée au pouvoir de sanction avec l’actuel texte du décret 116 ajoutant: « Est-il logique qu’un responsable de médias risque de se retrouver en prison avec ce texte, alors que le journaliste est fautif et que les rédactions sont indépendantes ! »
Le chercheur Chelbi a par la suite insisté sur l’urgence de charger une seule instance pour la mesure des taux d’audience et de navigation à l’initiative des éditeurs pour garantir la crédibilité des résultats.
Il a soulevé également la question de la radio numérique terrestre, RNT, dossier oublié en Tunisie, en rappelant que l’Afrique du sud, en exemple, avait commencé à se préparer depuis longtemps à la fermeture de la bande FM et que le quart du pays était arrosé par la diffusion de la RNT alors que le dossier n’était même pas à l’ordre du jour en Tunisie. Mohamed Chelbi a rappelé qu’il existait des délais pour chasser les radios de la bande FM et que l’Union Internationale des Télécommunications n’attendrait pas les retardataires comme la Tunisie.
Les médias ont pour but final de produire un contenu de qualité et de servir aux citoyens des informations correctes a-t-il dit. Et d’ajouter que des contenus crédibles constituaient la plus importante des garanties pour instaurer la démocratie dans le pays, et cela en se ferait pas sans un conseil de presse pour l’autorégulation des médias.
Prenant la parle, le Président de la Fédération Tunisienne des Directeurs de Journaux, Taieb Zahar a annoncé qu’il était imminent d’annoncer la création du conseil de presse de Tunisie pour sauver le secteur du naufrage. Taieb Zahar à précisé que le conseil se chargerait de la mise sur pied d’un code déontologique commun à tous les journalistes. Il a insisté par ailleurs sur l’obligation faite à l’Etat de soutenir des journaux aux contenus de qualité pour animer le débat public. Le Président de la Fédération a énuméré les principales difficultés que rencontrent les médias écrits dont les méthodes détournées utilisées par la presse jaune, des méthodes qui n’ont strictement rien à voir avec le professionnalisme ni avec la déontologie pour se faire d’énormes gains d’argent.
Taieb Zahar a évoqué cette crise endémique de la distribution des journaux monopolisée par une seule personne depuis des décennies. Cette personne, a-t-il dit, était le distributeur de fait, privilégiant des journaux au détriment d’autres en fonction de ses penchants ou bénéfices. Il a appelé un partenariat efficient pour une solution définitive quant à la distribution des journaux.
Le Président de la Fédération Tunisienne des Directeurs de Journaux a avoué qu’il craignait pour la pérennité du secteur tant que les parties concernées et l’Etat n’auraient pas rapidement réagi pour relancer le débat pour la mise en œuvre des solutions préconisées depuis des années et restées lettres mortes.
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