Tunisie : les élections auront-elles lieu dans les délais impartis ?
L’année 2018 est partie sans regrets et celle de 2019 ne s’annonce pas sans de bons auspices. Avec un lourd legs de sa précédente, elle se dessine avec la montée de la grogne sociale et les rebondissements politiques. Les élections législatives et présidentielles prévues dans quelque dix mois se profilent déjà à l’horizon sur fonds d’un climat général délétère marqué par une crise au sommet de l’Etat entre le président de la république et le chef du gouvernement. Les grandes manœuvres ont d’ores et déjà commencé. Entre reconfiguration du paysage politique et « appétits personnels », le doute persiste quant à l’organisation de ces échéances dans les délais impartis. Bien que les deux têtes de l’exécutif aient annoncé leur engagement à les respecter, les conditions réelles ne sont pas encore réunies.
La composition de Cour Constitutionnelle qui devait être installée avant la fin de 2015, comme prévue dans la Constitution de janvier 2014, n’est toujours pas achevée. Elle est composée de douze membres désignés équitablement par le Président de la République, le Conseil supérieur de la magistrature et la Parlement. Or, les parlementaires peinent à élire les autres membres aux deux tiers des voix, soit 145 sur 217, comme stipulée dans la loi. Un seul membre a jusque-là été désigné.
A son tour, l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) se trouve en pleine tourmente à douze mois de prochaines échéances électorales. Elle fait, depuis la démission de son ancien président en juillet pour « incompétence avérée » selon les autres membres, l’objet de tiraillements partisans entre les principales forces politiques du pays. Composée de neuf membres dont le tiers doit-être renouvelé tous les trois ans par le parlement, elle est menacée d’une crise profonde.
Le précédent des élections municipales plane sur les législatives et la présidentielle. Initialement prévues en mars 2016, elles ont été reportées plusieurs fois pour ne se tenir, en fin de compte, que le 6 mai 2018.
Tous les partis politiques représentés au sein de l’ARP, connaissent, à des degrés divers, des remous. Nidaa Tounes est le plus touché. Arrivé en tête des législatives d’octobre 2014, il a vu son groupe parlementaire initialement composé de 86 membres fondre comme neige. Toutes les tentatives de recoller les morceaux ont été vaines. Même la fusion avec l’UPL de Slim Riahi qui a des problèmes avec la justice. Youssef Chahed, le président du comité des 13 désigné par le président fondateur Béji Caid Essebsi pour organiser la congrès dit consensuel de Sousse, il y a trois ans de cela(8-10 janvier 2016), et promus chef du gouvernement s’apprête à lancer son propre mouvement. En froid avec son mentor BCE, il est en guerre déclarée avec Essebsi Jr qui s’est emparé du parti après l’élection de son père à la présidence de la république.
Un éventuel report des élections risque d’impacter tout le processus de transition encore inachevée, voire de le remettre en question. Aussi bien les bailleurs de fonds étrangers que l’Union européenne et Washington souhaitent le respect des échéances électorales. Ils appellent tous au parachèvement de l’installation des institutions démocratiques et l’organisation des élections dans les délais constitutionnels.
B.O
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