UGTT-gouvernement : De la polémique inutile au dialogue inévitable
La Tunisie va mal. C’est devenu presqu’une évidence. Si les tenants du pouvoir le proclament à cor et à cri, ça ne peut être que la stricte vérité. Si c’est pour mettre le moral des Tunisiens à zéro, c’est gagné. Mais la Tunisie en a vu d’autres et restera debout quoique disent les Cassandres et les oiseaux de mauvais augure.
La polémique qui enfle entre le gouvernement et l’UGTT ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Est-ce vraiment nécessaire que les divergences somme toutes normales entre les deux parties soient étalées sur la place publique alors que le bon sens aurait dû leur commander de former une ou plusieurs commissions mixtes pour examiner l’état des lieux et étudier toutes les solutions envisageables. Le bras de fer qui se dessine déjà est la pire manière de conduire des négociations qui seront en fin de compte indispensables pour parvenir à des compromis acceptables de part et d’autre.
Les experts les plus sérieux ne cessent de dire que l’état des finances publiques est catastrophique et que des solutions audacieuses seront nécessaires. Le plus tôt serait le mieux. Le pays qui a enfanté le « Dialogue national » pour trouver la voie d’un compromis historique dans une phase névralgique de son histoire récente est capable d’imaginer des solutions appropriées pour sortir d’une crise somme toute conjoncturelle.
Ce n’est impossible à la Tunisie qui, tout au long de son histoire a montré son aptitude à sortir indemne de toutes les mauvaises passes, d’avoir l’audace et le courage de traverser cette période délicate aux moindres frais.
Ce n’est pas la bonne volonté qui manque. Il suffit d’aller la chercher là où elle est tapie. Dans le cœur des Tunisiens à quelques catégories ou professions qu’ils appartiennent. La raison finira par y adhérer tant qu’il n’y a pas d’autre chemin à emprunter.
C’est par le dialogue et lui seul que la Tunisie a pu résoudre des difficultés qui paraissaient insurmontables. Lorsque le dialogue est rompu, cela a toujours mené à des affrontements dont les conséquences sont catastrophiques pour le pays. Rappelez-vous les événements du 26 janvier 1978 de triste mémoire ou les émeutes du pain de janvier 1984. Certes, la démocratie instaurée dans le pays grâce aux libertés fondamentales acquises depuis janvier 2011 représente un rempart à de telles extrémités. Mais la Tunisie ne sortira pas sans dégâts de cette confrontation.
En juillet 2013 la Tunisie était au bord de la guerre civile avec une polarisation extrême entre deux bords diamétralement opposés. On se rappelle les manifestations et les contre-manifestations réunissant des dizaines de milliers de Tunisiens mobilisés à l’extrême les uns contre les autres. Le pays aurait pu s’embraser pour peu qu’une étincelle ait été déclenchée.
C’est l’UGTT l’organisation patriotique avant qu’elle ne soit la centrale syndicale qui est montée au créneau pour régler une crise inédite dans l’histoire du pays. Avec une détermination jamais démentie et une patience de tous les instants inégalée, elle a réussi là où on s’attendait qu’elle échoue. Cela lui a valu, ainsi qu’autres organisations qu’elle a tenu à réunir autour d’elle dans un esprit d’union nationale, la reconnaissance du monde grâce au Prix Nobel de la Paix, la plus prestigieuse des récompenses.
Cette même UGTT est aujourd’hui le partenaire incontournable du gouvernement pour se sortir de cette crise grave. Peut-elle se dérober à sa responsabilité qui est sans conteste historique ? Nul ne peut le croire. Certainement, la centrale syndicale est la gardienne des droits de ses adhérents. Mais on ne peut imaginer qu’elle place les intérêts catégoriels au dessus de l’intérêt national.
Les partenaires sociaux c'est-à-dire le gouvernement et les organisations professionnelles UGTT, UTICA et UTAP doivent s’assoir autour d’une table. Des négociations sans parti-pris ni préjugé doivent se dérouler aussi longtemps que nécessaire pour convenir de solutions acceptables par tous. Dans tous les cas, il importe de mettre fin à ce qui ressemble à une campagne de presse menée par les uns contre les autres et inversement.
C’est dans la sérénité retrouvée que l’on peut et que l’on doit se pencher sur les difficultés réelles que le pays traverse. C’est de cette manière que l’on est en mesure d’imaginer les solutions idoines qui permettront au pays de souffler. Des concessions sont nécessaires. Des compromis seront atteints pour peu que chacun y mette du sien. C’est de cette manière que l’espoir renaîtra. Le moral au plus bas des Tunisiens bondira. Ce ne sera pas le zénith mais on s’y approchera.
Ce que l’on peut regretter c’est que les partis politiques semblent tétanisés devant ce qui est à leurs yeux une confrontation en tête-à-tête entre le gouvernement et l’UGTT. S’ils veulent se voiler la face, ils sont dans leur tort. Eux aussi doivent se déterminer. Les partis membres du gouvernement d’union nationale doivent jouer l’intermédiation entre les parties prenantes du « Dialogue national » qui doit être lancé à cette occasion. Lorsqu’on aboutit à des solutions, ces partis politiques doivent se mobiliser pour les expliquer et les justifier. Ainsi ils joueront leur rôle national.
RBR
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