Le Figaro : «2023, année de tous les dangers pour la Tunisie» tribune de Skander Ounaies
« Plombée par une dette colossale, une inflation qui dépasse les 10 % et des choix politiques douteux, la Tunisie est en proie à des événements pouvant gravement menacer la paix sociale, alerte le professeur à l'université de Carthage, Skander Ounaies dans une tribune publiée par le journal français le Figaro sous le titre «2023, année de tous les dangers pour la Tunisie» Skander Ounaies est professeur à l'université de Carthage, en Tunisie. Il a été conseiller économique au Fonds souverain du Koweït, KIA.
Il écrit notamment :
« La Tunisie vit actuellement une période très incertaine à tous points de vue. En effet, on a assisté, d'une part, au premier tour des «élections» législatives, le 17 décembre 2022, marquées par un taux d'abstention record, avec 8,8 % de votants, soit près de 805.000 personnes, sur près de 9 millions d'électeurs potentiels. La «correction» intervenue plus tard (le taux de participation est passé à 11,22%) ne change en rien la donne, à savoir des élections en trompe-l’œil.
D'autre part, le 14 décembre 2022, le Fonds monétaire international (FMI) a reporté (un euphémisme diplomatique) sine die l'examen du dossier de la Tunisie, censé donner son aval pour l'octroi d'un prêt de 1,9 milliard de dollars. Cet événement vient renforcer un climat général lourd d'incertitudes.
Selon lui ; « la fin d'année 2022 (a été) très compliquée en termes de finances publiques. Le déficit budgétaire estimé au début à 6,7% du PIB sera probablement autour de 7,5% en fin d'exercice (soit 2,5 fois la limite fixée par les accords de Maastricht pour les pays de l'UE). La dette publique culmine à près de 35 milliards d'euros, soit près de 89% du PIB, selon le FMI, qui inclut les entreprises publiques dans ses calculs. La dette extérieure atteint 42 milliards d'euros (près de 93% du PIB à Juin 2022). Et, enfin, l'inflation dépasse les 10% en fin d'année. L'année 2023 s'annonce donc très difficile à tous points de vue pour le pays. La Tunisie recule en termes de création de richesses, puisque, toujours selon le FMI, le PIB de 2022, en dinars constants, est quasiment égal à celui de 2017.
L’auteur ajoute : « Le coup de force du 25 juillet 2021, opéré par le président Saied, avec la suspension du parlement et le renvoi du gouvernement, a suscité un immense espoir de renouveau au sein du peuple tunisien, lassé d'une gouvernance catastrophique, et ce par tous les gouvernements successifs depuis les premières élections libres d'octobre 2011. Cet espoir est très vite retombé, puisque le pays est resté pratiquement trois mois sans gouvernement, faisant craindre ainsi des orientations présidentielles très éloignées des principales préoccupations des Tunisiens (le chômage, la perte progressive du pouvoir d'achat). Ces craintes étaient fondées, car les principales actions menées depuis par le président, ont quasiment toutes été à caractère politique, dans le but de façonner la «nouvelle vision» qu'il cherche à appliquer au pays, négligeant l'aspect économique. Pour preuve, la dernière note indépendante de Fitch Ratings (mars 2022, note CCC) relègue la Tunisie au rang de pays à «risque de défaut», au même titre que le Liban.
Et Skander Ounaies de poursuivre :
Tous ces problèmes se trouvent exacerbés par la guerre en Ukraine, qui impacte directement les finances du pays. Le montant des subventions pour les produits à base de céréales s'est accru de 440 millions de dollars, et la facture énergétique de la Tunisie est estimée à 1,5 milliard de dollars.
En conclusion, un pays dont la population subit des pénuries à répétition de produits de base et de médicaments, couplées à une inflation durable et en hausse, comme c'est le cas de la Tunisie depuis mars 2022, risque de voir l'année 2023 marquée par des événements pouvant gravement menacer une paix sociale, déjà précaire. Cela conforterait les propos de Raymond Aron pour qui «la qualité d'un régime politique ne se mesure pas à la paix apparente».
Pour lire l’article en intégralité :
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/2023-annee-de-tous-les-risques-pour-la...
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